Au Festival de l'imaginaire, notre voyage au bout des cultures du monde
La porte d'entrée de la Maison des cultures du monde à peine poussée et nous voilà partis loin, très loin des standards de la culture occidentale. Et ce n'est pas pour nous déplaire.
Sous la lumière jaunâtre des projecteurs, un spectacle un peu étonnant bat son plein. C'est le Nangyar kuthu, extrapolation féminine du Kutiyattam, "le plus vieux théâtre du monde". Perpétré depuis plus d'un millénaire dans les temples de Kerala par des maîtres-acteurs virtuoses, il a accédé depuis quelques années seulement aux scènes européennes. Au fil des ans, les exigences de ce théâtre semblent avoir été transmises de génération en génération sans jamais sursoir aux traditions.
"L'affirmation d'une présence"
Parmi ces exigences, la technique du regard. Devant une salle comble, l'actrice Kapila Venu atteint parfois une sorte d'expression duelle des yeux. L'un ému aux larmes, l'autre souriant. Tout ça ajouté à l'infinie précision de son jeu corporel et au déferlement envoûtant des tambours mizhavu placés juste derrière elle, et nous voilà tout bonnement ensorcelés par l'histoire de dieux, d'animaux et de démons qu'elle nous conte. En passant d'un personnage à l'autre, l'actrice parvient à dépeindre tour à tour l'amour, le mépris, la tristesse, la colère, l'héroïsme ou la peur."Cette forme théâtrale est généralement jouée par des hommes. C'est assez rare qu'une femme soit à cette place surtout que Kapila Venu incarne tous les rôles", explique Arwad Esber, directrice de la Maison des cultures du monde. "Loin d'une notion d'émancipation très occidentale et plutôt standardisée, c'est surtout l'affirmation d'une présence, de sa présence de femme, que recherche Kapila Vernu".
Véritable manifeste contre la standardisation
C'est sûr, la standardisation, ce n'est pas vraiment le cheval de bataille de ce festival. Au contraire, le rayonnement de certaines formes artistiques présentées est souvent plutôt limité. La directrice semble d'ailleurs bien avoir décidé de faire rimer rareté avec qualité. "Certaines choses sont extrêmement rares car elles appartiennent à un contexte délimité, à une infime communauté ou à une petite région", précise-t-elle.À l'image des polyphonies vocales des Seto, peuple autochtone du sud-est de l'Estonie interprété par un chœur de femmes. Originaire de l'embouchure de la Värska, sur les rives du lac Peipsi marquant la frontière entre l'Estonie et la Russie, ces chanteuses perpétuent une longue tradition de chœurs familiaux ou villageois. Elles font revivre, de leurs voix puissantes et tendues, les chants de leurs aïeules, par des compositions nouvelles mais respectueuses de cette bien étrange grammaire musicale. "Cette expression artistique n'est pas représentative de l'ensemble de l'Estonie, mais elle se fonde dans une culture où elle prend tout son sens", souffle la directrice.
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