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En images AKAA 2023 : La 8e édition du salon dédié à l'art contemporain africain s'offre de nouveaux talents et de nouvelles perspectives

Les artistes africains contemporains se retrouvent désormais régulièrement à Paris. La foire AKAA (Also Known as Africa) est l'occasion de découvrir de jeunes talents ainsi que des grands noms qui s'exposent pour la première fois au Carreau du Temple. Franceinfo Culture vous propose un petit tour à la découverte de leurs créations.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
L'affiche de la 8e édition d'AKAA qui se tient du 20 au 22 octobre à Paris (AKAA)

Des matières détournées et des techniques inédites ont de nouveau débarqué à AKAA, foire dédiée à l'art contemporain produit par l'Afrique et ses diasporas. L'édition 2023 rassemble 119 artistes originaires de 39 pays. Franceinfo Culture vous amène à la rencontre de certains de ceux qui sont exposés pour la première au Carreau du Temple, à Paris.

Jamais sans mon chalumeau

"Ma démarche est centrée sur le recyclage", confie l'artiste tchadien Appolinaire Guidimbaye, alias DOFF. Depuis 2014, il recycle ainsi le paxalu, revêtement à base de goudron qui se présente sous la forme d'une matière noire enveloppée d'une couche d'aluminium. Le "matériau est utilisé pour l'étanchéité des toits terrasses", explique-t-il. Dans les toiles de DOFF, l'aluminium devient doré. Rien n'y est peint, à l'exception des cadres qui sont noircis. Pour obtenir ses créations qui prennent corps grâce à un chalumeau, il fusionne avec le paxalu, du papier journal ou des résidus de plastique pour obtenir des couleurs. "Tout est fait au chalumeau", insiste cet autodidacte qui a grandi dans une famille d'artistes. L'essence de son travail s'illustre dans sa série "Black Beyond Darkness".

Toile de la série "Black Beyond Darkness" - Paxalu sur toile (APPOLINAIRE DOFF GUIDIMBAYE/DOFF - HENRY BAILEY/SOVIEW)

Les lieux du souvenir

Les noms de ses œuvres sont des coordonnées GPS qui renvoient aux lieux où se sont produits les souvenirs évoqués. L'Egyptien Mustafa El Husseiny cartographie à sa manière sa mémoire, la reconstituant comme un puzzle et en produisant des cartes virtuelles, souvenirs de celles qu'il a dessinées durant son service militaire. A l'origine de son projet "Memory Flow", la perte de photos stockées sur un disque. Sa production reste mystérieuse comme ce portrait de femme qui se devine. 

"Memory Flow 31.071262,31.317843" - Technique mixte sur carton (MUSTAFA EL HUSSEINY/KARIM FRANCIS CONTEMPORARY ART GALLERY)

Récits du quotidien 

Isaac Zavale a commencé très tôt à peindre des affiches dans les townships. Ce qui lui a permis, dès 14 ans, de soutenir financièrement sa famille qui avait fui la guerre au Mozambique pour se réfugier en Afrique du Sud. Son expertise est désormais une technique que l'artiste utilise pour illustrer le quotidien de ses concitoyens dans des tableaux aux couleurs vives et truffé de détails. Ejozi kwamazenzela, qui signifie "faire soi-même" en zulu, illustre le système "D" à Joburg (Johannesbourg), la plus grande ville sud-africaine.

"Ejozi kwamazenzela" - Acrylique sur toile (ISAAC ZAVALE/KALASHNIKOVV GALLERY)

Biais informationnel

Roméo Temwa est l'un des 8 artistes révélés à AKAA par le projet commun porté par Bandjoun Station (initiatiave du célèbre artiste camerounais Barthélémy Toguo) et l'Institut français du Cameroun, "Talents237". Des croquis parfaits qui sont ensuite déconstruits, telle est la technique singulière du jeune Roméo Temwa. "C'est une sorte de thérapie pour moi", confie celui qui, à travers ses œuvres, pointe "la manipulation médiatique" qui aboutit à "une déconstruction mentale et psychologique". Son travail, explique-t-il, est inspiré de celui du linguiste américain Noam Chomsky. Le phénomène décrié,  produit selon lui, "une absence de réflexion et un désir de révolte" illustrés dans Les cons-damnés.

"Les cons-damnés" - Acrylique, encre et transfert sur toile (ROMEO TEMWA/INSTITUT FRANÇAIS CAMEROUN & BANDJOUN STATION)

Papier d'écorce

L’Ougandaise Sheila Nakitende transforme le tissu d’écorce, issu d’une pratique séculaire en Ouganda et inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco, en papier qu’elle utilise ensuite comme support pour ses œuvres. En travaillant ce matériau, l’artiste investit un domaine réservé aux hommes car ce sont eux qui fabriquent ce textile à la portée hautement symbolique. Sur ce papier "fragile comme un être humain", Sheila Nakitende a produit Tree Dance (l'abre danse). À l’instar d’un arbre, hommes et femmes peuvent être secoués par la vie et chacun résiste aux soubresauts de l’existence comme il peut, rappelle l’œuvre.

"Tree Dance" - Papier d'écorce et papier en fibre de banane (SHEILA NAKITENDE/GALLERY BRULHART)

Flamboyante résistance

"Je suis né au Zimbabwe de souche britannique, famille écossaise anglaise. Mais je n'ai aucune racine en Angleterre aujourd'hui. Cent ans au Zimbabwe et en Afrique du Sud. Naturalisé Français par la peinture. Maintenant, je vis à Londres". C'est en ces termes que se définit Duncan Wylie. Son "bagage mental" est à la fois africain "parce qu' (il a) grandi au Zimbabwe" et européen. Sa peinture lui sert à réunir ces deux dimensions de sa personnalité. Il en résulte "quelque chose de très coloré, de très physique, de bien étudié mais aussi de très relâché". Sa série "Les Sapeurs et le tsunami", qui exprime le fait de "défier les circonstances" comme ses compatriotes l'ont fait face au régime autoritaire de Robert Mugabe (ancien président du Zimbabwe), le montre. On y retrouve The Sapeur and The Tsunami (Flamingo) [le sapeur et le tsunami (Flamingo)]. Le personnage central du tableau est habillé en rose et il se tient comme un flamant rose. "Il défie l'abstraction". "La peinture, pour moi, est un défi. Chaque artiste doit défier ses circonstances", résume l'artiste zimbabwéen.

"The Sapeur and The Tsunami (Flamingo)" - Huile sur toile (DUNCAN WYLIE/BACKLASH)

Communauté de destin

En se servant d'une toile de coton et de la peinture acrylique, généralement mate, Bienvenue Fotso souligne dans son travail "la communauté de destin entre l'homme et la nature". "Pour qu'elle soit effective, poursuit l'artiste camerounaise présente sur le salon AKAA grâce au projet "Talents237" (de l’Institut Français du Cameroun et de Bandjoun Station), "il faut que l'homme soit conscient de l'environnement dans lequel il vit". Ses œuvres racontent "une nature qui envahit les immeubles, une métaphore pour dire que si la nature devait se déchaîner, elle prendrait le pas sur l'homme". Dans sa série "Fipangrass" (terme pour désigner le recours à la médecine traditionnelle au Cameroun), elle s'intéresse aux savoirs médicinaux traditionnels délaissés sur le continent africain et qu'elle souhaite voir réhabiliter. Dans L'avocat du cœur, elle rappelle toutes les vertus de ce fruit et de l'arbre qui le produit.  

"L’avocat du cœur" - Acrylique sur toilecrylique sur toile (BIENVENUE FOTSO/INSTITUT FRANÇAIS CAMEROUN & BANDJOUN STATION)

Le pouvoir des femmes

Du textile peint sur lequel repose une feuille de palmier tressée et teintée : c'est Akwantukɛsaɛ. L'œuvre évoque "notre voyage sur terre", affirme Theresah Ankomah. Le périple se poursuit dans un univers qui reste encore inconnu de l'humanité, note-t-elle. Inspirée par les questions environnementales, la Ghanéenne est également sensible à l'engagement des femmes dans son pays et en Afrique. Des femmes qui subviennent aux besoins de leur famille et qui sont toujours au service de la communauté. C'est auprès de certaines que l'artiste ghanéenne se fournit en feuilles de palmier, celles dont elles se servent pour fabriquer des paniers. Vendus, ils seront une ressource de revenus mis à la disposition de leurs proches.  

"Akwantukɛsaɛ" -Acrylique sur  toiles, coquillages, bande de feuille de palmier tissée et teintée (THERESAH ANKOMAH/GALLERY BRULHART)

Retour gagnant

Après la photographie et le rap, Ras Sankara est devenu un performeur en 2015. Un pionnier au Togo, son pays natal, où il a initié un festival dédié à la pratique artistique et il compte créer la première école de performance sur le continent africain. Ici, devant la Maison d'esclaves d'Agbodrafo (ville côtière du Sud), il évoque "la renaissance (de l'Afrique), (le) retour de sa diaspora". "Je me suis tenu devant cette porte, témoin de l'esclavage," vêtu comme un roi afin de signifier le dépassement qui s'impose aux Africains en dépit des stigmates de l'esclavage, souligne-t-il. .

"Renaissance" - photographie (RAS SANKARA)

Dans mon pays rêvé

Le décor dominé par le rose, bling bling et kitsch que reconstitue April Bey est celui d'Atlantica. Ce monde futuriste créé par la Bahaméenne est exempt de racisme, de féminicides ou encore de mysoginie. De même, les communautés marginalisées peuvent s’y exprimer en liberté. Tapisserie, broderie et photographie font partie des techniques auxquelles elle recourt pour raconter cet univers imaginaire. Dans ce triptyque consacré à une résidente d’Atlantica, on retrouve tous les codes de l’artiste dont l’ananas mystérieux produit dans ce monde parallèle. Cette œuvre est "une métaphore autour du fait de prendre de la place dans l’espace public en se sentant autorisé et en sécurité".

Triptyque notamment composé de l'œuvre "It's Not a Headband You Stupid Bitch, I Can See Hella Shit You Can't" - Jacquard, sherpa, velours écrasé, fil métallique, perles, épingles à linge ornées (APRIL BEY/193 GALLERY)

AKAA 2023 (Also Known As Africa) au Carreau du Temple
4 rue Eugène Spuller, 75003 Paris
Horaires  : 20 octobre 2023 et 21 octobre 2023 : 12h00 – 20h00 / 22 octobre 2023 : 12h00- 18h00
Tarifs : 16 euros (plein tarif) - 11 euros (demi-tarif)

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