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Les frères Bouroullec… en toutes lettres

Ils sont les Romulus et Remus de l’empire Design. Ronan et Erwan Bouroullec. Elus créateurs de l’année 2011 au prestigieux salon Maison et Objet à Paris, encensés par la critique lors du salon du Design au printemps dernier à Milan, les deux frères font l'objet en ce moment d’une grande rétrospective au Centre Pompidou de Metz. Une réussite qui ne semble pas altérer la simplicité d'Erwan, le benjamin des frères qui a accepté de se prêter à un effeuillage littéraire.
Article rédigé par franceinfo - Sophie Granel
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Temps de lecture : 6min
Erwan et Ronan Bouroullec
 (Ola Rinda)

Pas de A pour débuter notre ABC, mais un B…celui de Bouroullec et de Bretagne, terre natale des deux frères.

La Bretagne en tant que région, n'a pas forcément eu une influence fondamentale sur notre travail… En revanche, nous avons habité très longtemps à la campagne étant enfants, dans un univers plutôt rustique, et la pauvreté de moyens à notre disposition nous a sûrement influencés. Cette façon qu'ont les objets et leur fonction d’être relativement directs, a sans doute donné cette qualité un peu minimale et silencieuse qui caractérise notre travail.

C…comme Centre Pompidou qui jusqu'au 31 juillet 2012 organise une rétrospective sur 1000m2 de 15 années de créations des frères Bouroullec. Comment se prépare-t-on à un tel événement ?

Nous avons déjà eu la chance de faire beaucoup d'expositions, mais la particularité du centre Pompidou Metz, c'est d'être un lieu extrêmement grand public et on a essayé d’organiser l’exposition dans ce sens là. De la rendre très ouverte, accessible. Il y a beaucoup de pièces qui sont, au sens littéral, accessibles aux visiteurs qui peuvent s’y asseoir, les toucher. 

 

Si je vous dis D, dans votre cas, la réponse est évidente : Design. Une affaire de famille…

Au début, ça s’est fait un peu par hasard. On est allé à des cours de dessin, comme on serait allé au football. Et là on a découvert qu’on était à l’aise avec un crayon. Par la suite on a fait des études d’art mais ce qui nous a séduit dans le design, c’est qu’une bonne idée, peut être reproduite, fabriquée. C’est l’inverse de l’unicité de l’œuvre d’art.

E…comme Enfant. Vous êtes le papa depuis un peu moins de 2 ans d’une petite fille. Votre nouvelle paternité a-t-elle changé votre regard sur le monde et donc sur votre travail ?

Dans la façon d’utiliser les meubles, il y a une forme de culture, de morale, des habitudes qui font qu’on en a un usage un peu stéréotypé. Les enfants eux, ont cette qualité d’être «  des petits sauvages », de ne pas avoir ce respect de la fonction. Et c’est assez intéressant de voir ma fille, ou celle de Ronan, utiliser les objets d’une manière incroyablement efficace, sans compromis, qui serait lié à une pudeur, une culture qui n’ont pas lieu d’être.

On reste en famille…nous voici au F de Frère, le vôtre, Ronan avec qui vous travaillez, créez. Comment décririez-vous cette relation ?

C’est une relation très intense, pas forcément parce qu’on est frères mais parce qu’on a envie de faire des choses justes et fortes. L’avantage c’est que du fait qu’on a vécu dans le même environnement étant enfants, ça nous a donné une culture des formes, des couleurs, des proportions, qui est très proche. Si on nous pose une question sur la couleur d’un objet ou si une forme est bien balancée ou pas, nous répondrons exactement la même chose, sans même s’être concertés. Ca ne veut pas dire qu’on est d’accord sur tout, on a 5 ans d’écart, on est assez différents, mais dans le travail, on a une vraie complicité.

GHIItalie. Un pays que vous appréciez et où vous travaillez fréquemment. Vous êtes notamment Ronan et vous, des habitués du salon de Milan où vous avez encore été plébiscités au printemps dernier…

L’Italie est la patrie historique du design. Il y a là-bas cette idée, depuis très très longtemps, qu’on a besoin de designers en collaboration avec les entreprises pour dessiner des objets, que ce soient des objets simples ou des objets plus complexes comme les premiers ordinateurs chez Olivetti. Il y a en Italie un terreau extrêmement propice, beaucoup plus qu’en France d’ailleurs. Ici l’idée même du design n’est que très rarement reconnue par les industriels.

JKL... comme Liberté. Est-ce une notion importante pour vous, notamment dans les choix que vous faites dans votre travail ?

C’est une question qui est fréquemment posée aux designers qu’on imagine souvent contraints par celui qui fabrique, industriel ou artisan. Mais on ne demande pas à un grand chef étoilé de savoir si le fait d’avoir 50 personnes dans sa cuisine l’empêche de travailler. L’industrie moi, je la vois comme un orchestre, et mon but c’est d’être un compositeur ou un chef d’orchestre, de réussir à travailler avec ce substrat qui certes est complexe, mais qui permet aussi de réaliser des choses qu’on ne réussirait pas tout seul.

Les gens avec qui vous travaillez. Voilà qui nous propulse en avant jusqu’à la lettre V de Vitra (fabricant suisse de mobilier avec lequel ils travaillent fréquemment)…

Ronan et moi sommes très passionnés. Quand on rencontre des gens qui nous proposent de collaborer, on s’engage à fond dans les projets. On a donc besoin d’avoir des relations humaines très justes et profondes avec ceux avec qui on travaille.  Et à ce titre là, Vitra est l’une des entreprises les plus exemplaires dans le monde du design actuel. C’est à la fois une grosse entreprise industrielle, mais ce sont aussi des gens qui font un vrai effort pour aider le développement d’une culture contemporaine de l’architecture et du design. 

 

Le mot de la fin ou plutôt la dernière lettre sera aussi la première, le A d’Avenir…Comment le voyez-vous cet avenir ?

Une des grandes problématiques actuellement, aussi bien dans l’économie que dans l’écologie, c’est qu’on ne comprend plus très bien ce qu’on achète : on ne sait plus pourquoi et par qui sont fabriqués les objets. C’est ça qui fait qu’on achète un peu à tort et à travers. Ça a des conséquences relativement néfastes sur beaucoup de secteurs de notre société. J’espère qu’à l’avenir le design sonnera à l’oreille des gens comme un label, un peu comme le bio pour les aliments.

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