La poste du Louvre : quatre questions à l'architecte Dominique Perrault, artisan de la transformation de ce joyaux du patrimoine parisien
Rouverte mardi 18 janvier à 14h, la poste du Louvre est sortie de sept années d'hibernation. L'édifice, créé en 1886 par Julien Guadet, a été rénové par l'architecte français Dominique Perrault dans un style à la fois haussmannien, industriel et contemporain. Entretien.
Lauréat du grand prix Praemium Imperiale et membre de l'Académie des Beaux-Arts, Dominique Perrault a fait plusieurs grands travaux en Ile-de-France : la Bibliothèque nationale de France (Bnf) en 1995, le réaménagement du pavillon Dufour au château de Versailles en 2016 ou encore la transformation de l'hippodrome Longchamp en 2018. Mais c'est surtout à l'étranger qu'il connaît un véritable succès. Il est l'auteur du vélodrome de Berlin, de l'université Ewha à Séoul mais aussi des extensions de la Cour de justice des Communautés européennes à Luxembourg. En 2012, il est choisi pour prendre en main la rénovation de la poste du Louvre, lieu emblématique pour les Parisiens. Au lendemain de l'ouverture du bureau de poste, nous lui avons posé quelques questions sur ce projet.
Franceinfo Culture : En 2012, la Poste lance un concours d’architecture européen pour le projet de rénovation "La Poste du Louvre" que vous avez remporté. En quoi votre proposition était-elle différente de celles des autres architectes ?
Dominique Perrault : Déjà, ce bâtiment avait, jusque-là, toujours été occupé par la Poste. Il y avait des guichets, un centre de tri et c'est tout. Il était donc difficile de ne pas en avoir une lecture industrielle. C'est pourquoi j'ai décidé de respecter l’héritage de l’édifice, sans que celui-ci soit contradictoire avec la nouvelle direction qu’on voulait lui donner. J’ai pensé à une organisation horizontale : chaque étage a sa fonction. De cette manière, je pouvais conserver le patrimoine sans rien casser. Lors de la rénovation, nous avons fait des découvertes comme des plafonds peints de l’époque de sa construction. Nous avons tout gardé. J'ai voulu m'infiltrer, me couler dans la structure industrielle initiale et je pense que c’est ce qui a plu.
Ce bâtiment est de style haussmannien et industriel. Maintenant, il y a aussi du contemporain, assez géométrique. N’aviez-vous pas peur d’un résultat un peu "patchwork" ?
Non, parce que j’ai vraiment essayé de suivre la radicalité entre l’architecture extérieure et intérieure du bâtiment comme son architecte, Julien Guadet, l’avait voulu. L'édifice se résume en deux gestes : un geste périphérique avec ce grand mur de pierres qui est autonome, qui tient tout seul. Et à l’intérieur une architecture composée exclusivement de métal. Pour faire le lien entre ces différents styles architecturaux, j’ai utilisé le noir comme monochrome. Il permet d’accompagner le travail de Julien Guadet et d’harmoniser le mien. Ce que j’aime dans cette poste, c’est qu’on ne sait pas très bien où s’arrête Guadet et où commence Perrault.
Justement, la couleur noire est omniprésente dans la poste du Louvre. Pourquoi avoir choisi spécifiquement cette couleur pour un lieu qui se veut lumineux ?
Le noir n’est pas sombre. C’est la couleur qui attrape le plus la lumière. Ce qui est intéressant avec la notion de monochrome, c'est l'application d'une même couleur sur des matériaux différents. De cette façon, le noir n'a jamais la même teinte. Parfois, il est mate, parfois brillant. La peinture n'est pas utilisée pour cacher mais pour révéler les différentes matières et les architectures de la fin du XIXe siècle. Le noir a cette qualité d’être très élégant, très français et il met aussi en lumière, sans mauvais jeu de mots, toutes les ouvertures du bâtiment, les grandes fenêtres et les baies vitrées.
Connaissiez-vous Julien Guadet avant d’être sur ce projet ? Qu’est-ce que vous aimez dans son travail ?
Guadet est très connu chez les architectes. Il a laissé une trace indélébile puisqu’il a écrit un manuel d’architecture. Il était avant tout professeur et théoricien. Lorsque je faisais mes études, entre élèves on disait toujours "passe-moi ton Guadet", "j’ai oublié mon Guadet". Sa vision de l'architecture est très intéressante. Donc pour moi, c’est une chance incroyable de le retrouver dans ce bâtiment après l'avoir lu quand j'étais étudiant. Il était très en avance sur son temps : il dit, par exemple, dans ses écrits, qu'il veut faire un mur avec des trous, ce qui est un des credo du mouvement moderne dans la première moitié du XXe siècle. Julien Guadet était visionnaire. C’est un vrai bonheur que nos deux architectures puissent aujourd'hui se mêler et fusionner.
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