A Nancy, Le Livre sur la Place s’interroge sur l’édition numérique
Il y a d’un côté les acharnés de la technologie. Celle d’aujourd’hui qui mérite que l’on jette aux oubliettes celle d’hier qui elle-même… Ceux-là ne jurent que par le dernier smartphone, possèdent la dernière tablette et ne sauraient s’afficher avec autre chose que les derniers produits de la firme à la pomme. Ils vivent rivés à un écran, quel qu’il soit, ne connaissent des journaux que leurs sites en ligne et n’ont pas ouvert un livre depuis des années.
L'odeur du papier
Et puis il y a les autres. Ceux qui aiment flâner dans les rayons d’une librairie, sentir l’odeur du papier, découvrir un auteur juste parce que la pile de son ouvrage est à côté de celle d’un livre pour lequel on était venu. Ceux qui, reprenant un tome dans leur propre bibliothèque y trouvent un petit papier d’autrefois, un ticket de métro, la note de restaurant d’un repas oublié depuis longtemps ou quelques mots inscrits sur la page de garde. Dans cette famille-là, on a du mal à se séparer d’un titre, même si le hasard fait qu’il figure en double dans sa bibliothèque.
Ceux-là entretiennent une relation particulière avec les livres, avec LE livre. Ils se considèrent comme des lecteurs. Ils s’inquiètent de l’irruption du numérique dans leur galaxie née avec Gütenberg, se demandent si leurs enfants, et les enfants de leurs enfants mouilleront un jour leur index avant de tourner une page (ce que la plupart ne font jamais d’ailleurs). Ces lecteurs savent toujours ce qu'ils lisaient en tel lieu, pendant tel voyage, lors de tel évènement personnel. Ils ont souvent dans leur poche ou dans leur sac de quoi lire et de quoi écrire. C'est-à-dire un livre, un petit carnet et un crayon.
140 signes
Pourtant les autres écrivent aussi. Mais le plus souvent en 140 signes maximum. Ils ont dans leur poche de quoi twitter, suivre les tweets et prendre une photo : c'est-à-dire un téléphone ! Et ils lisent parfois des livres. Mais jamais leur liseuse numérique ne laissera plus échapper un ancien mot d’amour, ou une vieille liste de courses restée des mois ou des années entre deux pages. Ils ne retrouveront jamais plus les traces d’une autre lecture, quelques mots inscrits d’une écriture inconnue dans la marge d’un livre acheté d’occasion. Ils ne repenseront plus au vieil oncle disparu depuis des lustres et qui avait offert François Mauriac pour une communion ou Albert Cohen pour une Bar Mitsva.
La galaxie Jobs-McLuhan contre la galaxie Gütenberg
Il n’y a pas de bon, il n’y a pas de mauvais. Il y a, ou non, un sens de l’Histoire, celui qui laissera une chance à l'héritage de Gütenberg ou celui qui marquera l'hégémonie de l'attelage Jobs-McLuhan. Une inquiétude légitime ou non. Il y a surtout cette question : la liseuse renouvellera-t-elle l’envie de lire les centaines voire les milliers de pages d’une œuvre d’importance ? C’est l’enjeu principal de cette bataille d’Hernani de la lecture. Ce bras de fer numérique/papier peut très bien se terminer sans défaite ni victoire. Le livre a jusqu’ici survécu à toutes les attaques que l’on prévoyait mortelles, comme celles de la radio, puis de la télévision… Il faut cependant reconnaître qu’avec l’arrivée de ce que l’on pourrait nommer « les générations tout numérique » la menace, paraît aujourd’hui autrement plus grave.
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