Cet article date de plus de dix ans.

A Hong Kong, l'art est aussi une protestation

L'art est une révolte, écrivait Albert Camus. A Hong Kong, la révolte s'est faite art: les manifestants prodémocratie ont créé sur le principal site d'occupation un atelier à ciel ouvert, mémoire vive du mouvement, mais ils craignent sa destruction par la police.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une affiche symbolise la révolution des parapluies à Hong Kong
 (PHILIPPE LOPEZ / AFP)
Une autoroute transformée en exposition à ciel ouvert
Quatre semaines se seront écoulées dimanche depuis le point de rupture du 28 septembre, lorsque les forces de l'ordre se sont violemment opposées aux jeunes militants prodémocratie qui réclament de choisir dès 2017 les dirigeants de l'ancienne colonie britannique.

Après avoir été partiellement délogés des quartiers commerçants de Causeway Bay et de Mongkok, les protestataires tiennent une autoroute urbaine sur environ un kilomètre près du siège du gouvernement à Admiralty. Spontanément, ils ont fait de ce lieu ordinairement saturé de véhicules et de gaz d'échappement une exposition de plein air.

En son centre trône "L'homme-parapluie", une sculpture en tuiles de bois de quatre mètres de haut qui rend hommage aux parapluies dont se servent les frondeurs pour se protéger du soleil, de la pluie et des projections de mousse poivrée par les policiers antiémeute.
Une affiche représente un étudiant protégeant un membre des forces de l'ordre de son parapluie, emblème de la protestation
 (PHILIPPE LOPEZ / AFP)
Entre les tentes multicolores, les stocks de vivres et les postes de secours rudimentaires, on dessine, on coupe, on colle, on peint... "Tout le monde peut voir et participer", s'enthousiasme Meaghan McGurgan, fondatrice de l'Umbrella Movement Art Preservation Group (UMAP, littéralement: groupe de conservation du mouvement artistique des parapluies).

Les parapluies en origami connaissent un grand succès. Le moindre espace sur les murs, les poteaux ou la glissière centrale sont recouverts de papiers flottant au vent, de croquis, de photos, de textes.

Des centaines de personnes sont comme à l'atelier cependant que des gardiens surveillent les accès au site. "Leur mission est de m'appeler", explique Meaghan McGurgan. "Je peux en cas de besoin mobiliser les équipes de secours".
Une affiche représente le chef exécutant de Hong Kong Leung Chun-ying comme King Kong
 (PHILIPPE LOPEZ / AFP)
Non à l'art politique
L'essentiel des créations qui pavoisaient le site de Mongkok a été anéanti ces dernières semaines. A Admiralty, les artistes ont donné la permission aux bénévoles de l'UMAP d'évacuer leurs oeuvres.

Mais pour les stocker où? Les musées de la ville ont d'ores et déjà éconduit les manifestants. "Soit ils n'ont pas donné suite, soit ils ont dit qu'ils n'étaient pas intéressés parce qu'il s'agissait d'art politique", selon Meaghan McGurgan. Une dizaine de galeries se sont en revanche engagées et des camions ont été mis à disposition.

La tâche n'en serait pas moins ardue pour déplacer le "Lennon Wall", un mur d'escalier recouvert par des milliers de post-it jaunes, roses et bleus sur lesquels partisans et détracteurs du mouvement ont couché leurs pensées."Nous avons pris des photos à grande échelle, à bonne distance, en les divisant en sections", indique Meaghan McGurgan. "Si nécessaire, il nous suffira de le recomposer comme un puzzle".
Plusieurs affiche inspirées par la série "Mr Men & Little Miss children" représentent le chef exécutif de Hong Kong Leung Chun-ying et son équipe
 (PHILIPPE LOPEZ / AFP)
Et si les bénévoles sont pris de court, ils documenteront "la destruction du beau", ajoute-t-elle. L'UMAP se charge actuellement de constituer les archives numériques de la "révolte des parapluies".

Un autre groupe de militants travaille sur "la formation d'une communauté et la transformation de l'espace" en foyer d'expression et de revendication, expose son cofondateur, Sampson Wong.
Un drapeau où les pétales de fleur, emblème de Hong Kong, ont été remplacés par des parapluies, symbole de la protestation des étudiants
 (PHILIPPE LOPEZ / AFP)
Ce collectif (The Umbrella Movement Visual Archive and Research Collective) recense par exemple les panneaux de signalisation détournés, analyse l'organisation sociale des manifestants sur le site d'Admiralty, l'aménagement de ce territoire hyperurbain reconquis sur l'automobile.

Pour Kacey Wong, un artiste local, le patrimoine artistique des manifestations d'octobre doit être impérativement préservé pour les générations futures. "J'ignore ce que sera l'avenir de Hong Kong mais pour l'instant il est plutôt sombre. Il faut que dans 25 ans les enfants puissent se souvenir d'un monde qui était hautement civilisé et plein d'espoir".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.