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Coupe du monde 2022 : Alphonso Davies, du camp de réfugiés au Mondial avec le Canada

Un joueur, une histoire. A l'occasion de Canada-Maroc jeudi, place au jeune latéral de 22 ans, né dans un camp de réfugiés au Ghana avant de s’envoler pour le Canada à l’âge de cinq ans.
Article rédigé par franceinfo: sport, Théo Gicquel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le Canadien Alphonso Davies le 2 septembre 2021 lors d'un match de qualifications à la Coupe du monde face au Honduras. (VAUGHN RIDLEY / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

"Je suis bien placé pour savoir ce qui peut se passer quand on donne à des réfugiés la chance de poursuivre leurs rêves." Ce message plein d’espoir a été posté par Alphonso Davies à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, le 20 juin 2020. Le jeune canadien, qui affronte le Maroc, jeudi 1er décembre, participe à sa première Coupe du monde avec le Canada, déjà éliminé avant cette dernière rencontre, après avoir connu les affres du déplacement forcé dès son enfance. 

Davies est né en 2000 dans un camp de réfugiés au Ghana après que ses parents ont fui la guerre civile au Libéria qui a fait 250 000 morts de 1989 à 2003. "Chez nous au Libéria, tu devais enjamber les corps pour trouver de la nourriture", dévoilait sa mère Victoria en 2020. "Nous étions en sécurité au Ghana, mais c’était dur de vivre là-bas. Nous étions inquiets, les gens mouraient de faim dans ce camp, pas uniquement dans les zones de guerre. Nous, les parents, pouvions boire de l’eau et dormir. Mais ce n’était pas suffisant pour Alphonso. Chaque jour nous devions nous assurer qu’il avait quelque chose pour vivre", se remémore-t-elle.

Maturité express

Après cinq ans passés dans le camp de Buduburam, à 45 kilomètres de la capitale Accra, la famille Davies obtient un départ vers le Canada, à Windsor, dans l'Ontario, d'abord, puis à Edmonton (Alberta). Alphonso s’épanouit dans l'ouest canadien malgré un caractère réservé, lui qui doit grandir bien plus vite que les autres. "Ses parents travaillaient toute la journée donc lorsqu’il revenait de l’école, il devait s’occuper de ses frères et sœurs", souligne Nick Huoseh, son formateur au club d’Edmonton. "Il changeait des couches avant même d’être un adolescent. A 11 ans, il a appris à être indépendant et responsable", poursuit Huoseh, devenu son agent. "En y repensant, je n'arrive pas à croire que nous en soyons sortis. Je me souviens à quel point mes parents ont tout fait nous pour libérer. A chaque fois que je rentre sur un terrain, c'est pour eux", précise Davies.

"J'avais peur. J'ai vu des enfants trainer dans la rue, j'ai vu ce qu'ils faisaient. Je ne voulais pas qu'il devienne comme eux. Mais il m'a promis : 'Je ne changerai pas une fois à Vancouver. Je vais te rendre fière.'"

Victoria Davies, la mère d'Alphonso

à Sky Sports

Marqué par sa trajectoire de vie, Davies reste un taiseux, mais il se voit pourtant rapidement affublé de la pancarte de prodige du football canadien. À 14 ans, il s’inscrit au programme de résidence des Vancouver Whitecaps, en Major League Soccer (MLS), et franchit les échelons à toute vitesse : premier joueur né au XXIe siècle à jouer en MLS, à 16 ans, plus jeune joueur sélectionné en équipe nationale un an plus tard. "Une fois que j'ai commencé à jouer au football organisé, les parents, les entraîneurs et les autres coéquipiers me disaient de continuer et que je pouvais devenir quelque chose, alors j'ai commencé à y croire", détaille sur le site de la Bundesliga celui qui a obtenu la nationalité canadienne à 17 ans.

Indiscutable au Bayern et en sélection

La Bundesliga justement, il l'a découverte en 2019 après un transfert remarqué au Bayern Munich, le club de son idole Arjen Robben. Sur son couloir gauche, "Phonzie" s’est rapidement imposé comme l’un des meilleurs latéraux du monde, alliant vitesse (record de vitesse en Allemagne à 36 km/h) et puissance. "Alphonso est quelqu'un que tous nos joueurs aspirent à devenir", explique de son côté le manager du Canada, John Herdman. "Il représente ce qu'est le Canada, un pays qui accepte tout le monde."

Joueur phare des Canucks dans cette Coupe du monde, Davies (35 sélections, 12 buts) évolue désormais au sommet de la hiérarchie du football mondial, même s’il a raté son premier but en Coupe du monde en voyant son penalty stoppé par Thibaut Courtois lors du premier match (défaite 1-0 face à la Belgique). Pour autant, Davies n’oublie surtout pas d’où il vient : il est devenu en mars 2021 le premier footballeur à être nommé ambassadeur mondial de bonne volonté par le UNHCR, l’organisme de l’ONU qui s’occupe des réfugiés.

"Le camp de réfugiés a apporté une endroit sûr à ma famille quand elle a fui la guerre. Je me demande où je serais si j'étais resté là-bas, sans avoir bénéficié des opportunités de la réinstallation. Je veux que les gens sachent l'importance d'aider les réfugiés, où qu'ils soient, dans des camps ou des villes, dans des pays voisins ou des pays de réinstallation comme le Canada.", précisait-il sur le site du UNHCR. Dernier engagement en date : il a annoncé donner l’intégralité de ses bénéfices au Mondial à des œuvres de charité.

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