Argentine-France : d’une équipe de cadets à la finale de la Coupe du monde, Lionel Scaloni a fait taire les critiques
"Si vous m’aviez dit, il y a deux mois, que j’allais diriger les U20, puis que j’allais être l’entraîneur de l’Albiceleste pour quelques matchs, je n’y aurais pas cru." Pour Lionel Scaloni, qui a glissé cette phrase il y a quatre ans, tout est effectivement allé très vite. Alors qu’il n’avait jamais dirigé une équipe professionnelle en tant qu’entraîneur principal, l’Argentin a été nommé sélectionneur de l’équipe nationale, par intérim, en août 2018, pour succéder à Jorge Sampaoli. Un intérim qui s’est prolongé et qui le mène désormais en finale de la Coupe du monde, dimanche 18 décembre, alors que les critiques pleuvaient à sa nomination.
Pour l’ancien joueur professionnel, passé par le Deportivo la Corogne (Espagne) ou encore la Lazio de Rome, l’aventure de coach débute à Majorque (Espagne), où il possède une résidence, en 2015. "Lionel en était à un moment de sa vie où il ne savait pas quoi faire après sa carrière de footballeur. Il a décidé de passer ses diplômes d’entraîneur. Il avait besoin d’heures de pratique et nous avions un ami en commun. Donc il m’a demandé s’il pouvait nous rejoindre", raconte Juan Munoz, président du Son Caliu CF, un club de quartier, contacté par franceinfo. Il lui confie alors l’équipe des cadets (moins de 14 ans), qui évolue dans le championnat régional de l’île. "La première chose qu’il m’a dit en arrivant, c’est qu’il voulait apprendre avec nous", poursuit-il.
A Son Caliu, son passé de joueur international fait la fierté du club et l’admiration des joueurs. "Les jeunes l’écoutaient avec beaucoup d’attention. Ils ont beaucoup appris avec lui et quelques années après, ils en ont toujours de très bons souvenirs. Il était très impliqué. Il les accompagnait aussi lors de sorties à la plage et était prêt à faire des kilomètres pour emmener les joueurs ou des membres du staff aux matchs. Aujourd’hui, certains de nos joueurs peuvent se dire qu’ils ont eu le même entraîneur que Leo Messi, c’est incroyable", s’extasie Juan Munoz.
"Un Mondial de motos oui, mais pas de football !"
L’aventure à Son Caliu ne dure cependant que six mois. En 2016, Jorge Sampaoli, alors entraîneur du Séville FC, appelle Lionel Scaloni pour qu’il le rejoigne au poste d’adjoint. L’Argentin saute sur l’occasion, mais une nouvelle fois, sa carrière prend un autre tournant rapidement. Jorge Sampaoli est nommé sélectionneur de l’Argentine et Lionel Scaloni le suit pour occuper le poste d’analyste vidéo. Mais lors du Mondial 2018, les relations entre l’entraîneur au tempérament bouillant et son groupe se détériorent. L’analyste est parfois obligé d’intervenir pour calmer le jeu, puisqu’il est l’un des seuls membres du staff à entretenir des relations étroites avec les joueurs.
Après une élimination dès les huitièmes de finale contre la France (4-3), Jorge Sampaoli est remercié par la Fédération argentine de football. Lionel Scaloni prend alors les rênes de la sélection des moins de 20 ans au côté de Pablo Aimar. Ce nouveau poste ne sera que provisoire, puisqu’il est très vite nommé sélectionneur de l’équipe première par intérim, en août 2018, pour deux matchs amicaux contre le Guatemala et la Colombie, sans jamais avoir eu d’équipe professionnelle sous ses ordres auparavant.
Cette inexpérience lui vaut des critiques, dont celles assez virulentes de Diego Maradona. "En Argentine, nous avons Scaloni comme sélectionneur. Ce n’est pas sa faute d’être là, ils l’ont poussé. Mais le problème, c’est qu’il se prend pour un entraîneur et qu’il veut aller à la Coupe du monde. Un Mondial de motos oui, mais pas de football. Cela me met très en colère que nous devions dépendre d’un technicien dont je ne sais pas s’il saura gagner un titre", s’emporte alors la légende argentine.
Des méthodes saluées par Messi
Pragmatique, l’ancien joueur de l’Albiceleste (sept sélections), qui a disputé quelques matchs avec Lionel Messi, ne se laisse pas influencer par les critiques. Pour ses premières listes, il ne convoque pas Angel Di Maria et Sergio Agüero, et intègre une dizaine de nouveaux joueurs, dans l’optique de préparer le terrain pour le sélectionneur suivant. "L’important est de laisser une base établie, que ce soit sur deux matchs, quatre ou six, pour que le prochain sélectionneur ait les choses très claires", explique-t-il alors, sans savoir que ce prochain sélectionneur ne sera jamais nommé.
Pour Lionel Scaloni et l’Argentine, les résultats arrivent très rapidement. Une troisième place à la Copa America en 2019, une série de 36 matchs sans défaite, avec une victoire en Copa America en 2021, et désormais une finale de Coupe du monde. Pas mal pour un technicien dont on ne savait pas s’il gagnerait un titre. De par sa proximité avec les joueurs, son âge (44 ans) et son sang-froid, il semble avoir trouvé la recette pour amener du calme dans une équipe qui compte quelques forts caractères.
"Nous avons un très bon staff technique, qui ne laisse rien au hasard, a salué Lionel Messi à l’issue de la demi-finale du Mondial 2022. Chaque détail, de chaque match, ils nous les font connaître, et puis ça se produit ensuite. C’est une grande aide pour nous quand nous sommes sur le terrain. Il n’y a aucun moment dans la partie où nous sommes perdus, nous savons toujours que ce nous avons à faire, et comment vont se dérouler les matchs." Entraîneur le plus jeune de la Coupe du monde 2022, dont le contrat a récemment été prolongé jusqu’en 2026, Scaloni a gagné le respect et l’admiration des fans, qui ont même surnommé la sélection nationale "la Scaloneta". Peut-être se fera-t-il une place au rang des Lionel adulés par les Argentins au retour à Buenos Aires en cas de victoire en finale…
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