"Zoé", la nouvelle pièce de Julie Timmerman, met une enfant face à son père bipolaire : explosif
Avec Un Démocrate, Julie Timmerman s’attelait à Edward Bernays, théoricien de la propagande, et Bananas épluchait les régimes bananiers d’Amérique centrale.
Avec Zoé, l’autrice et metteuse en scène ne monte pas cette fois sur scène, mais livre une part d’elle-même, en évoquant son éducation et son évolution dans une famille dont le père bipolaire introduit l’aliénation dans la maison.
Ni pathos ni didactisme
Fille unique d’un couple de comédiens, Zoé voit les jours de joie et de colère se succéder selon les troubles bipolaires dont est affecté son père. À 8, 10 et 40 ans, aidée de son copain Victor, puis d’un psy, Zoé tente de trouver sa place entre un père désaxé, mais qui la nourrit de culture qu'elle adore, et une mère dépassée par une responsabilité qu’elle peine à assumer. Jusqu'au jour où Zoé décide qu'elle sauvera son papa.
La langue précise, évocatrice et poétique de Julie Timmerman est toujours au rendez-vous dans Zoé. Si on ne l’attendait pas dans ce registre intime, son sujet garde une dimension politique en sensibilisant à une pathologie dont on ne parle que depuis peu de temps. Sans pathos ni didactisme, le drame est là, mais l’autrice garde son recul, en insufflant un humour dont l’esprit est une de ses constances dans chacune des pièces. Le sens du rythme en est une autre, Zoé passant à une vitesse folle, on en redemanderait.
L’étincelle des mots
En trois actes, dans une cuisine familiale, Zoé voit une mère et sa fille passer du calme à la tempête, de l’amour à la colère, de la compassion au dégoût, selon les "sautes" de son père. Plutôt que narratifs, les trois actes défilent comme trois tableaux, dépeints à trois époques, trois stades de la maladie. De cette évolution résulte la progression narrative dont Julie Timmerman sait faire usage, tant dans l’écriture que la mise en scène.
Aussi, la pièce monte en puissance comme la crise du père et les mots ont leur importance. Il l'en suffit d’un, pour qu’il provoque une étincelle, puis s’associe à un autre, comme deux silex, et puis encore un, pour mettre le feu au corps et embraser la scène. Comme lors de la chute du père sur la table de cuisine, devenue un gouffre dans lequel il s’abîme, et qui l’avale. Une des idées scéniques dont regorge Julie Timmerman avec ses quatre comédiens, dont l’esprit de troupe met le feu aux planches.
"Zoé"
De Julie Timmerman
Mise en scène : Julie Timmerman
Avec : Anne Cressent, Mathieu Desfemmes, Alice Le Strat et Jean-Baptiste Verquin
Du 5 janvier au 29 février, mercredi, jeudi, vendredi et samedi à 21h15
Théâtre de Belleville
16 passage Piver, 75011 Paris
Téléphone : 01 48 06 72 34
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