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Weber et Arditi, frères jumeaux dans "Tartuffe" au Théâtre de la Porte Saint-Martin

C’est un des événements de la rentrée : au Théâtre de la Porte Saint-Martin, un "Tartuffe" monté par un grand metteur en scène européen, Peter Stein, avec pour la première fois face à face, Jacques Weber (Orgon) et Pierre Arditi (Tartuffe).
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Pierre Arditi et Jacques Weber dans "Tartuffe"
 (Pascal Victor)

Pas une saison sans son "Tartuffe", et pour cause il est le plus joué des Molières. Nous reste en tête parmi les plus récents, celui de Luc Bondy avec Micha Lescot, un Tartuffe très noir, un violeur. Celui de Michel Fau, la saison dernière dans ce même théâtre, un Tartuffe baroque et démoniaque qu’il incarnait, avec Michel Bouquet en Orgon ascétique.
 
Cette nouvelle version s’ouvre par un bal donné dans le salon d’une belle demeure. Un bal avec une bande son qui traverse les siècles, de Lully au rock d’aujourd’hui. Sans doute une façon de démontrer au public que ce qui va suivre, les idéologies qui aveuglent, sont encore et toujours d’actualité.

Félicien Juttner (Damis), Pierre Arditi (Tartuffe) et Jacques Weber (Orgon)
 (Pascal Victor)

Orgon-Weber amoureux de Tartuffe-Arditi

Evidemment c’est d’abord la rencontre entre Jacques Weber et Pierre Arditi qui nous intrigue. Or le couple fait sens. Weber est un Orgon, aveuglé, prétentieux, mais surtout amoureux du Tartuffe-Arditi, qui déploie avec art toute la palette du prédateur sournois et cynique. 
 
Car c’est une qualité de la mise en scène de Peter Stein : il balaye l’ambigüité habituelle de la relation entre Orgon et Tartuffe (Orgon amoureux de Tartuffe ?) en répondant clairement oui. Et en assumant qu’Orgon regarde Tartuffe avec des yeux énamourés, avec des soupirs, comme lorsqu'il pose sa tête sur l’épaule de Tartuffe. Dans l'expression de cette passion ou en ogre prêt à sacrifier ses enfants, Jacques Weber est toujours juste.

Effet de miroir

En fait l’ancien patron de la Schaubühne de Berlin, au-delà de cet amour interdit, va plus loin en jouant pleinement l’effet de miroir entre Orgon et Tartuffe. Orgon pourrait être Tartuffe, Tartuffe pourrait être Orgon. Il y a donc de la part de Stein un vrai point de vue qui ne dénature évidemment pas une pièce si riche. Mais le problème, c’est qu’autour de ce couple infernal il y a d’autres personnages qui tous semblent apporter avec eux un univers différent.
  (Pascal Victor)
Isabelle Gélinas que nous apprécions de pièce en pièce, manque encore de mystère en Elmire. Le couple d’amoureux formé par Marion Malenfant (Marianne, la fille d’Orgon) et Loïc Mobihan (Valère) est charmant. Mais Marianne exprime un peu trop souvent, pour notre goût, son désespoir par des larmes, évidemment à la demande du metteur en scène. Manon Combes, dans le rôle de la servante Dorine, a tout ce qu’il faut d’indignation, de truculence et de générosité. Elle est magnifique lorsqu’elle tente de réconcilier les tourtereaux, paniqués par le fiel que Tartuffe répand dans la famille.
Pierre Arditi et Isabelle Gélinas
 (Pascal Victor)
Jean Baptiste Malartre, en beau-frère raisonneur d’Orgon (Cléante) peine à nous intéresser à son discours raisonnable. Catherine Ferran est une madame Pernelle assez convenue. Plus intéressant, Félicien Juttner en Damis compose un personnage d’héritier bagarreur, le seul à être franchement révolté par les comportements de son père, le maître de maison.  
  (Pascal Victor)
On ira voir ce Tartuffe d'abord pour le couple formé par Pierre Arditi et Jacques Weber. On regrette un peu que dans les scènes où ils n’apparaissent pas, l’intérêt, surtout quand on a vu si souvent "Tartuffe", se relâche un peu trop.

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