Théâtres occupés : l'inquiétude des artistes est "légitime", juge Stanislas Nordey, directeur du théâtre de Strasbourg
Les jeunes artistes ont "une espèce de mur devant eux", explique Stanislas Nordey, directeur du Théâtre national de Strasbourg (TNS), ocupé. Il insiste sur l'urgence d'annonces "concrètes" de la part du gouvernement.
L'inquiétude grandit au sein du monde culturel en France. Ses membres souhaitent des annonces concrètes pour leur secteur de la part du gouvernement, après un an de crise sanitaire liée au Covid-19. Plusieurs dizaines d'étudiants en art ont investi et occupent l'Odéon à Paris et le Théâtre national de Strasbourg (TNS). Stanislas Nordey, comédien, metteur en scène et directeur du TNS interrogé par franceinfo, comprend leurs revendications. Selon lui, "il y a une inquiétude très profonde et qui est légitime des artistes en général et des jeunes artistes qui ont une espèce de mur devant eux et qui ne voient aucune reprise".
franceinfo : Est-ce que vous soutenez les étudiants qui ont investi votre théâtre ?
Stanislas Nordey : Mon rôle n'est pas de les soutenir, mais d'entendre leurs inquiétudes. Hier, une délégation est venue nous voir en nous informant de sa décision d'habiter le théâtre et non pas de l'occuper. J'en ai pris acte. J'en ai informé évidemment les tutelles. On a mis en place les protocoles stricts, à la fois sanitaire et au niveau de la sécurité. Dans ce type d'action, il faut toujours protéger les salariés et les étudiants eux-mêmes. Derrière tout cela, il y a une inquiétude très profonde et qui est légitime des artistes en général et des jeunes artistes qui ont une espèce de mur devant eux et qui ne voient aucune reprise. Je pense qu'il faut savoir les entendre.
Pour les jeunes artistes, c'est presque un élan brisé dès le début ?
C'est pire que ça. C'est-à-dire que quand on est un jeune artiste et qu'on sort sur le marché du travail, on a une inquiétude comme tous les étudiants. On n'est sûr de rien. Donc, en plus, quand il n'y a plus du tout de marché du travail parce que c'est le cas en ce moment, l'inquiétude devient du désarroi et une forme de panique.
"Ces jeunes gens sont précarisés financièrement. Ils ne peuvent pas faire les petits boulots qui leur permettent de payer leurs études. Et en plus, ils n'ont aucune visibilité."
Stanislas Nordey, comédien, metteur en scène et directeur de théâtreà franceinfo
Le gouvernement avait annoncé, mais n'a pas encore mis en place, une aide spécifique pour les jeunes diplômés sortant des écoles d'art. Donc, j'espère que c'est toujours dans les tuyaux et que ça va sortir. Ce sera un signal assez fort parce qu'il faut vraiment les aider.
En tant que directeur de théâtre, est-ce que vous pouvez leur donner une réponse ?
Je porte la parole le plus possible. On est plusieurs à alerter depuis plusieurs mois le gouvernement et le ministère sur le désarroi des jeunes et des jeunes étudiants en art. On est un relais et je pense que la prolongation de l'année blanche pour les intermittents est importante, mais aussi un dispositif spécifique pour les jeunes artistes qui arrivent sur le marché du travail et qui n'auront de toute façon pas leurs heures pour survivre la première année puisque le travail se raréfie, et on en a pour deux ans parce qu'on va en sortir très lentement dans le milieu du théâtre. Une fois que les choses vont se remettre en place, ça va prendre du temps.
Quel pourrait être ce dispositif que vous évoquez ?
C'est à la fois financier, bien sûr, mais c'est aussi des dispositifs spécifiques de commandes d'œuvres, de textes, de spectacles, d'autres œuvres pour les étudiants d'autres sections. Mais c'est aussi une visibilité sur l'ensemble des jeunes étudiants. Pourquoi est-ce que ce sont des jeunes qui prennent la parole ? C'est parce que ça rejoint toute la détresse aujourd'hui des jeunes étudiants, et notamment des étudiants d'art. Mais finalement, c'est une espèce de cri qu'ils poussent assez pacifiquement et avec beaucoup de raison, et de tempérance.
Vous comprenez la ministre de la Culture qui ne donne pas de calendrier mais un ordre. Les musées d'abord, et puis les autres après ?
Les musées d'abord et les autres après, ça peut m'aller, du moment que l'on commence à rouvrir. Peu importe si les musées rouvrent d'abord, ça veut dire que de toute façon le reste va suivre. Après, je sais, parce que je discute avec les tutelles, que beaucoup des revendications des gens qui sont à l'Odéon et aussi au TNS sont déjà dans les tuyaux, sont déjà en train d'être traitées. Il faut juste que ça aille plus vite. Il faut des annonces plus rapides. Il faut accélérer un peu le mouvement.
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