Dominique Valadié magistrale dans "Premier Amour" de Beckett à la Scala Paris

"Pas de musique, pas de décor, pas de gesticulation", avait exigé au moment de la création, Jérôme Lindon, directeur des Éditions de Minuit et exécuteur testamentaire de Samuel Beckett. Alain Françon et Dominique Valadié respectent avec élégance les diktats de l'auteur.

Dominique Valadié est Beckett

Elle entre par l'arrière de la petite salle de la Scala. Sur la scène, une chaise, un chapeau et des vêtements dessinent une silhouette allongée. Au fond, un grand crâne peint fait office de rideau de scène. Un décor beckettien au premier coup d'œil.

Le texte est le monologue d'un homme qui préfère les cimetières aux jardins publics pour se changer les idées, qu'il a fort noires. C'est le récit d'un amour dérangeant pour ce personnage, inapte à la vie commune. La comédienne incarne cet homme durant une heure et quart. Un solitaire qui aime à dire : "Quand elles ne savent plus quoi faire, elles se déshabillent, et c'est sans doute ce qu'elles ont de mieux à faire."

Dominique Valadié, quarante ans de théâtre de Vitez à Deschamps, en passant par Alain Françon qui signe la mise en scène, passe par tous les sentiments, toujours avec l'air d'être surprise par ce qu'elle dit. Parfois, inquiète et apeurée face à la vie, parfois grinçante vis à vis des ces congénères, souvent drôle et absurde comme l'est l'existence de son personnage. Le qualificatif peut sembler parfois galvaudé mais Dominique Valadié, passée par la Comédie-Française est une grande dame du théâtre, au service du texte. Elle le prouve une fois de plus . 

"L'amour rend mauvais, c'est un fait certain"

Premier amour est l'un des premier texte (1946) écrit en français par l'irlandais Samuel Beckett.  C'est l'histoire d'un fils, qui à la mort de son père, se retrouve expulsé de la maison natale. Il pensait y vivre sa vie, à l'abri de sa chambre, loin des hommes et loin des autres. Il ne trouve le repos que sur un banc, entre deux arbres morts. Jusqu'à ce que Loulou vienne rompre cette tranquillité. Et l'embarque, malgré lui, vers ce continent qu'il aime détester : celui de l'amour.

Écrit en 1946, juste après l'effroi de la Seconde Guerre mondiale, dans Premier amour on trouve les thèmes de prédilection de Beckett : la solitude, la politesse du désespoir, les mots qui s'échappent et l'incommunicabilité entre les hommes. Et toujours cet humour grinçant face à l'absurdité de l'existence. Tout le long de la représentation, le public à peine éloigné de quelques mètres de la comédienne, pouffe ou s'esclaffe des mots de Beckett, du jeu de Dominique Valadié et des aventures de ce type qui à force de détester le monde en devient le meilleur témoin. Et peut-être le meilleur commentateur ? 

Dominique Valadié excelle dans cet incessant va et vient entre tragique et comique. Un Premier amour jubilatoire.

"Premier amour" de Samuel Beckett 
Réalisation Dominique Valadié et Alain Françon 
Du 22 mars au 19 Avril les mardi et mercredi à 19h30 | Dimanches 14h30  (Durée : 1h15) 
La Scala
13, boulevard de Strasbourg 75010 Paris
01 40 03 44 30

A signaler pour les amateurs de Samuel Beckett :

La  "Journée de dialogues avec Alain Françon" avec sa participation.  mardi 11 AVRIL 2023 de 9h À 18h / ENTRÉE LIBRE SUR RÉSERVATION.