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Richard Berry dans "Plaidoiries" au Théâtre Antoine : nous avons emmené une avocate voir la pièce

Richard Berry reprend sur scène cinq plaidoiries qui disent beaucoup de notre société et du pouvoir des mots. Nous avons proposé à une avocate, Marie Albertini, de nous accompagner. Elle nous livre ses impressions à chaud, à la sortie du Théâtre Antoine
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Richard Berry dans "Plaidoiries"
 (Céline Nieszawer)

Comédiens et avocats ont bien ceci en commun de croire à la puissance du verbe, à la puissance des mots ! Après un travail de recherche par Matthieu Aron, ces plaidoiries qui n’avaient été entendues que par ceux qui ont assisté aux procès, nous sont données à entendre, nues, par Richard Berry seul en scène. Et avant qu’il ne dise le texte, chacune des plaidoiries est remise dans son contexte, nom de l’avocat compris. Le verdict nous étant annoncé à la fin. On est totalement captivé par les enjeux et la force du propos, fasciné par la variété des techniques de défenses et l’impact d’une bonne plaidoirie sur le sort des hommes et la société toute entière. Marie Albertini, avocate, qui était sceptique au départ sans doute de par son métier, a très vite été convaincue.
 
"Ce qui est intéressant, c’est que Richard Berry plaide à la fois pour des accusés et pour des parties civiles : parties civiles quand il s’agit des adolescents morts électrocutés à Clichy-sous-Bois, ou quand il s’agit des victimes de Maurice Papon. Mais d’autres fois il s’agit de ceux qui ont commis le crime. C’est bien de passer de l’un à l’autre, car l’on voit ainsi le travail des avocats. Et puis il y a différentes sortes de crimes et délits abordés : le crime contre l’humanité qui est quelque chose d’exceptionnel, l’infanticide qui a été très médiatisé avec des affaires récentes qui ont fait beaucoup de bruit... Et aussi le meurtre pur".

 Marie Albertini, avocate
 (S.Jouve/Culturebox)

Parmi ces cinq plaidoiries laquelle vous touche plus particulièrement ?

Maître Marie Albertini : Pour moi c’est Gisèle Halimi, quand elle a plaidé en tant que féministe après le fameux manifeste des 343 salopes. Le jugement qu’il y a eu, a été tout à fait symbolique, cela a conduit à la loi Veil qui dépénalise l’avortement. Peu de jugement ont conduit comme celui-ci à changer la loi. Cette plaidoirie emblématique, en tant qu’avocate, je la trouve très bien construite, mais évidemment elle me touche aussi énormément en tant que femme.  
 
L’autre exemple d’une plaidoirie qui peut conduire à changer une loi, c’est le procès de Christian Ranucci et sa condamnation à mort. Paul Lombard n’a pas réussi à le sauver mais avec sa fameuse phrase "l’opinion publique est une prostituée qui ne doit pas rentrer dans les prétoires", il a contribué à ce que l’on en arrive à l’abolition de la peine de mort trois ans plus tard. Même un procès perdu du point de vue de l’avocat, peut contribuer à faire évoluer les mentalités.

Que pensez-vous des autres plaidoiries jouées ce soir ?

Le choix des cas, en lui-même, est très intéressant. Ce sont de grands sujets qui peuvent concerner le public d’aujourd’hui et les extraits sont aussi extrêmement choisis, c’est tout une palette de différentes façons de plaider. Celui qui plaide en fonction des pièces du dossier, c'est le cas de Jean-Pierre Mignard qui se sert des déclarations et des dépositions des policiers lors de la traque des adolescents qui finissent par se réfugier dans un poste électrique. Celui qui plaide vraiment en humanité, avec le cœur, c’est Henri Leclerc pour Véronique Courjault accusée d’infanticide. Avec l’intelligence de l’avocat qui dit : je ne vais pas vous plaider l’acquittement, elle a commis une faute, son crime est terrible, elle doit être punie, mais cette femme n’est pas un monstre. C’est très très fort.

Dans le cas de l’affaire Ranucci, la plaidoirie de Paul Lombard commence par le constat que son client s’est mal comporté à l’audience, une attitude qui ne va pas dans le sens d’une clémence des jurés. C’est assez unique de dire en gros : mon client s’est comporté comme un con à l’audience ! Et puis dans ces années-là il y avait le poids de l’opinion publique, aujourd’hui on dirait le poids des médias ou des réseaux sociaux.

L’opinion publique justement, est-elle un fléau ou une alliée pour les avocats ?

Elle peut servir parfois. Il y a des avocats qui s’en servent beaucoup. Ils font paraître des articles avant les procès pour influencer les juges et les jurés. L’opinion publique décrite par les médias est rarement objective et ça peut ou servir ou desservir les avocats pour leurs clients.
  (Céline Nieszawer)

Richard Berry serait-il un bon avocat ?

Oui, il y a des similitudes entre l’avocat qui plaide et le métier de comédien. J’ai toujours trouvé Berry crédible, il n’a pas fait d’effet de manche. Il a vraiment plaidé comme ces avocats ont pu plaider, même quand il est dans la peau de Gisèle Halimi. Ce n’est pas évident d’incarner une femme, une féministe. C’est une belle performance d’acteur. Oui il m’a épatée. Une cour d’assises ou une salle d’audience c’est soit une scène, soit un ring. Il y a donc des similitudes, après c’est un autre métier, il y a une autre technique.
 
Ce qui manque peut-être c’est la tension qu’il y a dans une salle d’audience, quand un avocat plaide en vrai. Il y a une tension, une qualité d’écoute, parce qu’il y a un énorme enjeu qui, malgré tout, n’est pas complètement restitué. Ça reste du théâtre, mais c’est extrêmement bien fait.


"Plaidoiries"avec Richard Berry, mise en scène de Eric Théobald
avec les textes de Gisèle Halimi (qui dénonce une loi obsolète qui empêche les femmes à disposer librement de leur corps), Paul Lombard (qui s'attaque à la peine de mort en voulant éviter la peine capitale à Christian Ranucci), Michel Zaoui (au procès Papon), Henri Leclerc (dans le procès de Véronique Courjault accusée d'infanticide), Jean-Pierre Mignard (dans la défense des familles des deux adolescents morts électrocutés à Clichy-sous-Bois).
 

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