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"L’Eveil du printemps" à la Comédie-Française : l’adolescence entre espoir et cauchemar

"L’Eveil du printemps" de l’Allemand Frank Wedekind entre au répertoire de la Comédie-Française (salle Richelieu) dans une mise en scène de Clément Hervieu-Léger. Un étrange et beau spectacle sur les tourments de l’adolescence, qui est aussi une charge extrêmement corrosive contre les conventions sociales dans l’Allemagne de Bismark.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'Eveil du printemps à la Comédie-Française
 (Brigitte Enguérand/Comédie-Française)

La pièce démarre avec une bande d’adolescents (même si le mot n’existe pas encore) qui chahutent et se termine par un fantôme assis sur une tombe, digne d’une tragédie de Shakespeare. Dans l’intervalle trois heures se sont écoulées sans peser, étrillant l’éducation de l’époque, celle des parents et celle des professeurs, abordant sans tabous la sexualité des jeunes. La pièce fut d’ailleurs interdite dès sa publication en 1891 pour "pornographie".

Désir, sexualité

Car Il est bien sûr beaucoup question de désir, de sexualité, sans rien édulcorer (masturbation, masochisme, homosexualité…). La pièce s’articule autour d’un trio : Moritz, écrasé par la pression scolaire et en plein désarroi face à la métamorphose de son corps. Melchior, plus mûr, mieux dans sa peau est l'ami que Moritz va prendre pour modèle et mentor. Quant à la jeune Wendla, elle sera victime de l’ignorance des jeunes filles sur les relations entre sexes.

Une jeunesse perdue

Des jeunes gens perdus, happés dans un monde dont les adultes refusent de leur donner les clés. Eux-mêmes ayant souvent renoncé à des relations saines entre les êtres. La scène du conseil des professeurs est d’une terrible violence, pressés autant qu’il sont de prendre des mesures répressives pour ne pas être sanctionnés eux-mêmes par l’ordre social de ce 19e siècle finissant. Un ordre social dans cette Allemagne corsetée où l’on ne peut dévier d’une pyramide où les pères trônent au sommet, rigides et rigoristes, au point que leurs fils lorsqu’ils sont jugés mauvais éléments n’ont d’autre issue que la maison de correction. Les mères sont beaucoup plus aimantes, beaucoup plus compréhensives, mais en cas de crise, n’ont d’autres choix que de se soumettre à la décision des pères.
  (Brigitte Enguérand/Comédie-Française)

La révélation Christophe Montenez

L’étrangeté de la pièce, qui se démarque du théâtre scandinave (Strindberg, Ibsen) et du théâtre russe (Tchekhov), tient de ce mélange de tableaux socials très noirs et d’une écriture allégorique qui se fait jour dans une deuxième partie. Avec Melchior qui cherche à être sauvé et pardonné dans une évolution très faustienne, Faust justement que sa mère lui reprochait de lire trop tôt. Sébastien Pouderoux est très convaincant dans le rôle. Comme sont très émouvants les personnages de femmes : de la jeune Georgia Scalliet en Wandla sacrifiée, aux très beaux personnages de mères de Cécile Brune et Clotilde de Bayser. Mais la révélation est Christophe Montenez, qui nous surprend une fois encore par son jeu si singulier et si sincère, jusque dans le dénouement qui le voit dans la peau d’un fantôme revenu une dernière fois sur terre.  
Christian Gonon et Georgia Scalliet
 (Brigitte Enguérand/Comédie-Française)

La mise en scène ciselée de Clément Hervieu-Léger

Clément Hervieu-Léger signe une mise en scène ciselée dans un décor écrasant de Richard Peduzzi, orphelin de Patrice Chéreau, dont c'est la première collaboration avec la Comédie-Française. Une immense boîte qui enferme, mais dont les parois mobiles rendent très fluides les allers retours fréquents entre intérieur et extérieur. Les costumes de Caroline de Vivaise, inspirés des collèges britanniques, font de ces personnages nos contemporains.

Une très belle découverte, évidemment dans la version non censurée que les Allemands ne pouvaient voir à l’époque, et dont certaines scènes nous étonnent encore par leur crudité et leur cruauté.
 

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