Cet article date de plus de huit ans.

"Le Projet Poutine" au Off d'Avignon : le "Tsar" mis à nu par un duo d'acteurs habités

Après le théâtre La Bruyère à Paris, le théâtre Espace Roseau à Avignon donne "Le Projet Poutine" de Hugues Leforestier, avec l'auteur et Nathalie Mann. Ce duo formidable met à plat en une heure et quart le mystère Poutine : l'homme, son arrivée au pouvoir, son action nationale et internationale. Edifiant.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Nathalie Mann et Hugues Leforestier dans "Le Projet Pourine" de Hugues Leforestier
 (Photo Lot)

L'énigmatique Monsieur Poutine

A décor minimaliste, texte maximaliste. Un bureau, un fauteuil, une chaise, un canapé, des drapeaux, et un écran sur lequel défilent en prologue et entre chaque acte, des images de manifestations et de tabassages d'opposants au régime. Un dispositif simple et efficace qui favorise la rencontre exceptionnelle entre le président Poutine et une procureure générale, ancienne maitresse de jeunesse, chef de fil de l'opposition, convoquée pour la remettre dans les clous. Une intrigue prétexte à la mise en lumière du système et la méthode Poutine, dans un texte documenté et synthétique sur un des hommes de pouvoir les plus puissants au monde.
Sans être uniformément à charge, "Le Projet Poutine" n'est évidemment guère favorable au président russe. Mais la pièce pose plus de questions qu'elle n'y répond. C'est bien là un des sens du spectacle. Poutine n'est-il pas une énigme ? Comment ce sous-fifre du Renseignement russe, ex-KGB devenu FSB, en a-t-il été promu directeur ? Comment devient-il un an plus tard, premier ministre, puis président par intérim pour finir président de 2000 à 2008, puis depuis 2012, avec en guise d'entracte, le poste de premier ministre du président Medvedev, sa marionnette ?

Intimité

Alter ego sur scène du "Tsar", tel que les Russes surnomme Poutine, Hugues Leforestier campe un homme de pouvoir autoritaire, certes, mais qui sait aussi caresser dans le sens du poil, amadouer, se justifier. Un des atouts de la pièce est de donner à voir et à entendre la joute verbale entre le chef de l'Etat et une ancienne connaissance, rencontrée et fréquentée du temps où il fit ses "humanités". Les deux ayant été intimes, ils peuvent se permettre des échanges teintés d'une liberté de ton impossible sans cela. Leader de l'Opposition, la procureure se voit menacée d'emprisonnement, puis flattée, proposée à un poste gouvernemental, et enfin mise en garde de réprimandes contre ses enfants. Le "Tsar" se fait par instant charmeur et use d'arguments convaincants.
Nathalie Mann et Hugues Leforestier dans "Le Projet Pourine" de Hugues Leforestier
 (Photo Lot)

Le chef du Kremlin tire sur toutes les cordes pour parvenir à ses fins. Là se trouve sans doute une des recettes de la méthode Poutine. Jouer sur tous les tableaux. Mais il aura peine à se justifier de sondages qui le plébiscitent, alors que sa politique ne convainc guère ses compatriotes. Se promulguant à la tête de l'antiterrorisme mondial, il est soupçonné d'être derrière des attentats attribués aux Tchétchènes, l'assassinat de la journaliste Anna Politkovskaïa, et de l'espion Alexandre Litvinenko au polonium… "Le projet Poutine" fait à ce titre de bonnes piqûres de rappel, comme sur l'origine de son patrimoine mirifique. Hugues Leforestier actualise son texte en collant à l'actualité, glissant des développements sur son implication en Syrie, pour participer à ce qu'il dénomme un "théâtre du réel". Une direction dramatique originale et un exercice dans lequel il s'avère des plus crédibles, avec à ses côtés une Nathalie Mann impliquée dans l'analyse vivante d'une bête de pouvoir.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.