"Nerium Park" à Metz : un huis clos théâtral envoûtant dans un appartement hanté, entre Polanski et Buñuel
Trois dates exceptionnelles à l’Espace Bernard Marie Koltès de Metz permettent de découvrir cette création contemporaine, où la crise s’invite à tous les étages.
Comme dans les films de fantômes, un couple emménage dans un lieu où des manifestations vont déranger, hanter et faire basculer son quotidien dans une inquiétante étrangeté. Signé du dramaturge catalan Josep Maria Miro, dans une mise en scène de Véronique Bellegarde, avec Eric Berger et Julie Pilod, Nerium Park stigmatise l’époque contemporaine. Laissez-vous hanter par cette pièce hors cadre, les 17 et 18 novembre, à l’Espace Bernard Marie Koltès de Metz.
Fantastique du quotidien
Olivier et Marte sont les premiers acquéreurs d’un appartement dans un nouveau lotissement, en banlieue d’une grande ville. Après des semaines et des mois, aucun nouveau propriétaire ou locataire ne s’est installé alentour. Olivier perd son emploi et se lie à Serge, un sans-abri qui dort dans le local à vélos, mais que Marte ne voit jamais. Enceinte et inquiète dans cet environnement isolé, elle voudrait vendre, mais à qui, là où personne ne veut acheter ?
Sur cette situation originale, Josep Maria Miro et Véronique Bellegarde installent un fantastique du quotidien, comme le faisait Polanski dans Rosemary’s Baby, mais où les diableries laisseraient place au Charme discret de la bourgeoisie de Buñuel. Le dramaturge s’est inspiré du phénomène en Catalogne qui a vu pousser des dizaines d’immeubles laissés inoccupés, abandonnés ou inachevés. Dans Nerium Park, l’accès à la propriété, la perte d’emploi, la disparition de la classe moyenne sont au cœur d’une dramaturgie qui frôle le surnaturel.
En même temps
Le beau décor spacieux installe une froideur, où trône un canapé transparent clairsemé de plantes vertes (!), avec un mur de cartons qui sert de penderie, et un coin cuisine. Olivier et Marie semblent dans un entre-deux, leur emménagement n’est pas terminé depuis des mois. Là se démène se bat et débat un couple qui s’installe dans la vie. La griserie passée, le gris s’installe. Marte travaille à la DRH d’une entreprise qui licencie, et Olivier perd son emploi. Cet ancrage social prend une dimension fantasque, névrotique, puis paranoïaque, développée par l’isolement et le repli sur soi.
Pièce du confinement ? En écho certainement, mais pas seulement. Nerium Park distille une métaphysique du quotidien dans son texte et sa mise en scène. Olivier et Marte argumentent, sur Serge par exemple, le SDF du coin, et l’on ne cesse de donner raison à l’une ou à l’autre à son sujet. Existe-t-il vraiment en fait ? Un "en même temps" schizophrène hante la pièce, dont la résolution recoupe ce qui scellera le destin de plus d’un couple après le confinement... Beau, étrange et inquiétant.
"Nerium Park", de Josep Maria Miro. Mise en scène : Véronique Bellegarde
Avec Eric Berger et Julie Pilod. Jeudi 17 à 18h et vendredi 18 à 14h et 20h.
Espace Bernard Marie Koltès. 3 Cité Universitaire, 57000 Metz. Tél : 03 72 74 06 58
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.