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"Mark Rotkho, c’est un grand râleur, comme moi" : Niels Arestrup remporte le Molière du Comédien dans un spectacle de théâtre privé pour "Rouge"

La pièce de théâtre, remarquablement mise en scène par Jérémie Lippmann et interprétée jusqu'au mois de janvier sur les planches du théâtre Montparnasse, aura valu un Molière à Niels Arestrup.

Article rédigé par franceinfo Culture - Mélisande Queïnnec
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4 min
Niels Arestrup et Alexis Moncorgé tiennent les premiers rôles dans "Rouge". (Théâtre Montparnasse)

Dans Rouge, nouvelle production signée Jean-Marie Besset et adaptée d'une pièce de John Logan qui avait marqué les esprits aux Etats-Unis, Niels Arestrup se glisse dans la peau du peintre - génial et torturé - Mark Rothko, qui se suicida en 1970. Une performance exceptionnelle récompensée hier par le Molière du Comédien dans un spectacle de théâtre privé... 

Vous avez reçu le Molière du Comédien dans un spectacle de théâtre privé, une belle reconnaissance de votre travail dans Rouge... Avec l'immense carrière qui est la vôtre, est-on toujours sensible à ce genre de récompenses ? 

J’y suis toujours sensible, mais peut-être d’une façon moins forte que si j’en avais reçu un il y a quinze ou vingt ans. Bien sûr, le fait d’avoir cette carrière - je ne sais pas si c’est une très grande carrière mais c'est en tout cas une longue carrière, 50 ans maintenant - met à distance ce genre d’événements, d’autant que nous étions dans des circonstances particulières. Je ressens un peu de frustration aussi malgré tout, pour les gens qui ont participé au spectacle. J’espérais qu’ils soient récompensés, eux aussi. Rouge, c’était vraiment un travail d’équipe, de la première lecture à la dernière représentation. On a envie de partager ça avec les copains. Mais bien sûr, je suis tout de même très content !

Rouge, c’était vraiment un travail d’équipe

Niels Arestrup

Mark Rothko est un éternel insatisfait, un être complexe et tourmenté. Qu'est-ce qui vous a le plus intéressé dans le fait d'interpréter ce personnage ?

Je ne suis pas spécialement intéressé par le fait de simplement jouer un personnage. C’est un ensemble de choses qui me plaisent : une écriture, un thème, une équipe qui se rassemble pour faire vivre un projet. Le personnage, on le construit ensemble. Je ne connaissais même pas le travail de Mark Rotkho avant Rouge. Cela a représenté du travail, des jours et des jours d’échange entre nous… S’il n’y a que le personnage qui me semble intéressant mais que le metteur en scène ne me séduit pas, que je ne m'entends pas bien avec mes partenaires de scène, je ne me lance pas dans le projet.

Vous vous retrouvez, tout de même, dans certains aspects de sa personnalité ?

Mark Rotkho, c’est un grand râleur ! Comme moi aussi, ça n’était pas trop difficile. Il a d’autres côtés plus complexes à interpréter. C’était un grand intellectuel, très cultivé, qui écrivait en plus de peindre, enseignait aussi. Il se demande à cette époque-là si le nouveau monde qui arrive sera à la hauteur de l’ancien monde qu’il va quitter. Ce sont des questions un peu éternelles.

Cette période de confinement que nous venons de quitter a été dramatique pour les théâtres... Comment l'avez-vous vécue ?

J'ai vécu dans un étrange brouillard, sans lumière. Il faut se confiner, la mort se balade dans la rue, il faut faire attention, il faut rester à l’intérieur et l'on ne sait pas pour combien de temps. Il n’y a aucune différence entre un acteur ou quelqu’un d’autre, pas d’angoisse supplémentaire ou d’aspect qui rend notre confinement différent. Pour n’importe quel être humain, être confiné, avoir ordre de rester chez soi pendant trois mois, c’est forcément un truc qui chamboule ! J’ai eu la chance de le vivre dans une petite campagne, pas très loin de Paris. Le jardin, le soleil, le plein air, je ne vais pas me plaindre, c’était sans doute moins difficile que pour d’autres. Dans l’ensemble, je ne pense pas que quiconque sortira intact de cet événement. La maladie est encore là, elle pourrait revenir. C’est une période extrêmement difficile et j’étais comme beaucoup : un confiné.

Si l'on n’est pas croyant, il faut au moins être un espérant.

Niels Arestrup

Etes-vous optimiste quant à une rentrée théâtrale sous de bons auspices au mois de septembre ? Quels seront vos projets ?

On avait le projet de partir en tournée avec Rouge. On souhaitait également le reprendre en janvier au théâtre Montparnasse. Si l'on n’est pas croyant, il faut au moins être un espérant. Si cela ne fonctionne pas, on se reconfinera et la vie ne s’arrêtera pas. Malgré l’angoisse que l’on peut avoir de se dire que ça va revenir, on a le choix. Soit on se dit "c’est foutu", soit on garde le cap. Cela s’appelle l’espérance. Je suis un espérant. Après, il faudra aussi que les gens aient envie de revenir. Ce sera difficile pour le public de rentrer dans un lieu confiné, près des autres. Il y a eu une telle peur, une peur panique, qu’il faudra aussi sans doute un certain temps pour que les gens se rassurent et acceptent de retrouver le chemin des théâtres. C’est un lieu où il y a parfois 400, 500 personnes, même avec un siège sur deux cela peut être un tantinet angoissant. Il faut donc les y encourager. Leur dire que s’ils pensent avoir eu besoin de lire des pièces, de s’accrocher au travail des auteurs pendant ces derniers mois, eh bien maintenant c'est le théâtre qui a besoin d’eux, du public. N’ayez pas peur.

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