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"L’Île d’or" par le Théâtre du Soleil : les rêves et les démons d’Ariane Mnouchkine

La dernière création d’Ariane Mnouchkine et de sa troupe du Théâtre du Soleil tourne autour d’un voyage au Japon, un peu perturbé par l’épidémie de Covid et les périls du monde.

Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
"L'île d'or" (Michèle Laurent)

Longer le bois de Vincennes et ses odeurs de feuilles mortes à la nuit tombée, pénétrer dans la Cartoucherie éclairée d’une farandole de lampions, c’est déjà échapper à ville, embarquer vers d’autres rivages… le Japon cette fois, et son Île d’or.

A l’entrée du théâtre c’est Ariane Mnouchkine elle-même, l’inoxydable grande dame du théâtre de 82 ans, qui déchire notre billet. Et nous voilà propulsés, un peu interloqués, dans deux immenses salles aux couleurs de l’Asie. C’est là que le public, nombreux, est invité à se restaurer à la japonaise, prélude bienvenu à un spectacle de près de trois heures.

A la Cartoucherie de Vincennes un buffet japonais proposé au public de "L'île d'or" (Sophie Jouve)

Un festival menacé par des spéculateurs avides 

Un spectacle qui ouvre sur Cornélia, une malade du Covid qui rêve dans son lit d’hôpital à une île japonaise où doit se tenir un festival du "présent lumineux". Une île-havre pour des artistes qui "résistent aux forces du mal". Très vite, on comprend que Cornélia est une sorte de double d’Ariane Mnouchkine, elle aussi a été malade du Covid en 2020. Le festival que Cornélia-Mnouchkine imagine est menacé par des spéculateurs avides qui prévoient d’assécher le port de pêche pour y construire un casino.

"L'île d'or" d'Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil (Michèle Laurent)

Un spectacle qui veut embrasser tous les maux de l'époque 


On retrouve l’esprit de théâtre de tréteaux d'Ariane Mnouchkine, la formidable inventivité des décors montés à vue par les comédiens eux-mêmes : tissus mouvants symbolisant la mer, dromadaires exilés sur l’île d’or, cerisiers en fleurs...

On retrouve aussi le foisonnement, voire le trop-plein d’un spectacle toujours en mouvement qui veut tout embrasser de l’époque. Car la metteure en scène persille son rêve-cauchemar des multiples maux qui l’accablent : la révolte pro-démocratie à Hong-Kong, les exilés afghans, le conflit israélo-arabe traité de manière ubuesque tant il n’en finit pas de ne pas être résolu, jusqu’à l’inénarrable escapade en hélicoptère de Carlos Ghosn déguisé en geisha… 

"Il y a la maladie et tout ce qu'elle a éclairé, c'est-à-dire l'imbécilité, le mensonge, la mauvaise gouvernance. Il y a une maladie réelle et une maladie métaphorique", explique la metteure en scène.

"L'île d'or" par la troupe du Théâtre du Soleil (Michèle Laurent)

Effroi et humour  


Sur scène l’effroi fait bon ménage avec l’humour. Le voyage au Japon, avec ses traditions théâtrales et son art du déguisement qui parle tant à la troupe du Théâtre du Soleil, se poursuit alors que le monde tangue. Les comédiens, fortement engagés dans cette grande fresque, portent des masques qui effacent leurs traits sans rien retirer de leur expressivité. Trois personnages de Français suscitent l’hilarité.

Il y bien quelques longueurs, sans doute trop de sujets abordés car c’est peut-être aussi, dans l’esprit de Mnouchkine, une œuvre testamentaire. L’on ressort en tout cas revigorés par cette île d’or : au Théâtre du Soleil, bastion de vie et de résistance, bat toujours le pouls de la planète.  


"L'Île d'or"
A partir du 3 novembre 2021
3h15 avec entracte
Cartoucherie de Vincennes 
01 43 74 24 08 

Une création collective du Théâtre du Soleil
Dirigée par Ariane Mnouchkine
Avec la musique de Jean-Jacques Lemêtre
En collaboration avec Hélène Cixous  

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