"Les Enchantements" : le réchauffement climatique vécu par des jeunes de banlieue au cœur de la troisième pièce de la metteuse en scène Clémence Attar

Dans sa pièce "Les Enchantements", Clémence Attar dresse le portrait d’une jeunesse désenchantée qui tente d’échapper à la chaleur au milieu du béton des barres d’immeubles.
Article rédigé par Yemcel Sadou
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Les jeunes comédiens de la pièce de Clémence Attar, "Les Enchantements", au Théâtre Ouvert, à Paris. (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Une pièce sur les jeunes, pour les jeunes, avec un langage de jeunes. C’est le projet de la metteuse en scène de 29 ans Clémence Attar qui aborde le réchauffement climatique à travers un groupe de jeunes de banlieue coincés entre les tours de béton brûlantes. Ils rêvent désespérément d’un peu d’eau fraîche, mais la piscine municipale, le seul point d’eau dans cette oasis urbaine, a monté ses prix. Qu'à cela ne tienne, nos six esprits fougueux décident de recréer la beauté et l’ambiance des plages marseillaises dans leurs appartements.

Lauréate des Journées de Lyon des auteurs de théâtre 2023, Clémence Attar signe sa troisième pièce avec cette fois la participation de sa co-metteuse en scène Louna Billa. Donnant régulièrement des ateliers d’écriture et de théâtre avec des jeunes, Clémence Attar a appris leur langue, leur raisonnement, leur mentalité. Des éléments restitués justement dans cette mise en scène sobre et efficace.

"Vida loca à la playa"

Sur scène, une glacière en plastique, une chaise de plage et de grandes espérances. Au quartier des Hibiscus, le trio Mohamed, Lucien et Amine rêve de fortune ou plutôt de "thune". De l’argent facile sans trop d’efforts qui serait le fruit d’un génie du business. Les idées de projets s’accumulent : allumer des feux de cheminée en hiver chez les "cheuris", réparer les problèmes de serrures en défonçant les portes… "Tous les jours, tu nous casses les couilles avec tes idées d’business éclatées au sol", lance Lucien dit Lu.

Les jeunes comédiens de la pièce de Clémence Attar, "Les Enchantements", au Théâtre Ouvert. (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Du côté de l’appartement 185 des Cerisiers, le trio de filles Mariam, Sophia et Charlène rêve de plage. "Le seul truc qui coûte cher avec la mer, c'est pas la mer, c'est l’train pour y aller", désespère Mariam dit Mai. Avec ses copines, elle imagine une appli "Vacances2pauvre" calculant le trajet le moins cher jusqu’à la plage la plus proche. Aucune d’elles ne veut passer à côté de la "vida loca à la playa".

"Quartiers populaires sans violence"

La compétition commence entre les projets des garçons et des filles. Une piscine gonflable avec une entrée moins chère pour les uns et une plage avec du sable véritable pour les autres. Le tout fabriqué avec les moyens du bord dans les appartements des deux clans. Au détour de cette fable loufoque, reflet d’une jeunesse désenchantée, mais pas désabusée, Clémence Attar distille le langage des quartiers populaires qui infuse aujourd’hui dans toute la société. Langue orale souvent sans ponctuation, jonchée de "ch" à la place des "je", de "wesh" et de vulgarités, elle est surtout révélatrice des interactions entre jeunes.

Les jeunes comédiens de la pièce de Clémence Attar, "Les Enchantements", au Théâtre Ouvert. (CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

L’humour, le titillement, la dérision, voire la moquerie est une manière de signifier son amour et sa considération. "Il était important pour moi de montrer une face des quartiers populaires sans violence, sans adversité évidente et personnifiée", explique Clémence Attar dans sa note d’intention. Profondément attachants, les personnages reflètent parfaitement la jeunesse d’aujourd’hui. Irrévérente, persévérante, créative, elle refuse de subir et fait tout pour s’en sortir.

"Les Enchantements" de Clémence Attar et sa co-metteuse en scène Louna Billa au Théâtre Ouvert, 159 avenue Gambetta, 75020 Paris, jusqu'au 27 janvier

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