Le Fric-Frac délicieusement déjanté de Michel Fau

C’est ce "Fric-Frac" qui a inspiré en 1936 un film fameux avec Arletty, Fernandel et Michel Simon. Pas de quoi impressionner Michel Fau qui a composé, comme il sait si bien le faire, une galerie de portraits hauts en couleur, "des tronches" choisies, on le sent, avec délectation.

Des tronches

Disons-le d’emblée, Emeline Bayart, la Bécassine de Bruno Podalydès est ici absolument formidable, d’une expressivité stupéfiante, un clown qui n’a pas besoin de parler pour faire rire, la petite sœur de Christian Hecq si l’on peut dire !
 
Mais revenons à l’histoire très joliment résumée dans le programme : "L’homme de Loulou (Julie Depardieu) est en prison et il a besoin d’oseille, de beaucoup de pognon ; Loulou sa p’tite veut lui en trouver. Marcel employé de bijouterie (Régis Laspalès) est amoureux de Loulou. Loulou va se servir du naïf Marcel pour organiser avec Jo (Michel Fau) un Fric-Frac dans la bijouterie où travaille Marcel…" 

Reportage France 3 : M. Berrurier / G. Pinol /  S. Le Guel / B. Vidal

Petits malfrats et argot coloré

Fau plonge avec malice dans ce Paris des années 30, ce Paris des petits malfrats où grenouillent des archétypes de personnages qu’il affectionne tant : il y a Loulou la putain, Marcel le naïf, Jo le froussard, Renée la bourgeoise hystérique (Emeline Bayart), Mercandieu le bijoutier filou (Georges Bécot)… Il réunit pour les incarner une belle brochette de comédiens, à son affaire avec l’argot coloré des faubourgs. Car ici les hommes sont des "gonzes" ou des "moules à gauffres". On connaissait les doudounes, les roberts, on découvre "les gaillards" de ces dames ! On en oublierait presque que l’auteur de ces répliques, Edouard Bourdet, excellent dramaturge était par ailleurs à l’époque le digne administrateur de la Comédie-Française. On n'est pas loin de Guignol tant le comique de situation fait mouche, les portes ne claquent pas, elles basculent !

Depardieu exquise

Julie Depardieu est exquise en femme légère et enjôleuse, Fau excellent en deuxième couteau parfaitement veule, Emeline Bayard décoiffante en petite bourgeoise manipulatrice, et Régis Laspalès, en candide, tient la note sans trop en faire, dans un registre peut-être inattendu pour lui. On ne les citera pas tous, mais chaque rôle, même le plus modeste, est parfaitement au diapason.

Fau attentif au moindre détail

On sait combien Michel Fau est attentif à ce que soit rendue l’atmosphère même de l’époque. Les décors de "Fric-Frac" participent de ce désir. Signés de Bernard Fau et Citronelle Dufay, ils sont dans la veine de la peinture expressionniste, avec ses couleurs pétantes, ses perspectives de guingois. Un élément de décor peut apparaître au milieu d’une scène puis disparaître. Le troquet de quartier est un bijou, avec ses pans coupés, ses réclames en lambeaux, aussi déglingués que les pochtrons qui y séjournent.  

Insensés également, les costumes de D.Belugou : de la robe rouge de Loulou fendue jusqu’au sexe au costume à grand carreaux de Jo ou à rayure de Féfé (Yannis Ezziadi). Tout est frappadingue dans cette délicieuse pochade, où personne ne se prend au sérieux, et où vous ne risquez pas de piquer une romance (un roupillon !).