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"La Mer" : la vague Edward Bond submerge la Comédie-Française

Le dramaturge britannique Edward Bond fait son entrée au répertoire de la Comédie-Française avec "La Mer". Une tragicomédie atypique, dans l'œuvre de celui qui s'est fait connaître en France avec ses très sombres et très secouantes "Pièces de guerre". Retrouvez la vidéo de l'interview de Laurent Stocker en fin d'article.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
"La Mer" d'Edward Bond entre au répertoire de la Comédie-Française. (FTV / COMEDIE-FRANCAISE)

Un soir de 1907, sur le littoral britannique, deux navigateurs font naufrage. Colin, fiancé à Rose, se noie sous les yeux de son ami Willy. Le garde-côte et marchand de tissus, l'étrange Mr Hatch, a assisté au drame sans intervenir ; car il a pris les deux hommes pour des extraterrestres venus envahir la ville !

Hervé Pierre est Mr Hatch
 (C.Raynaud de Lage/Comédie-Française)

Bond analyse avec humour et cruauté les conséquences de ce drame dans cette petite société dominée par Madame Rafi (terrifiante et émouvante Cécile Brune). Figure autoritaire et revêche, elle fait la loi : met au ban Hatch (excellent Hervé Pierre, illuminé à souhait) et se pique de faire du théâtre en montant Orphée et Eurydice, tout en martyrisant sa dame de compagnie (Elsa Poivre très drôle dans un emploi inhabituel).

L'art des ruptures de ton

Le dramaturge montre, ici encore, son art des ruptures de ton. Passant du drame à des scènes pétries d'humour british, notamment lors des obsèques sur la falaise où le vent balaye les faux-semblants et disperse les cendres sur la foule.

Les obsèques du naufragé
 (C.Raynaud de Lage/Comédie-Française)

Le très beau décor de Jacques Gabel nous transporte de la plage, au salon bourgeois ou à la boutique de tissus de Mr Hatch. Mais les fréquents tombés de rideaux entre les scènes, avec projections vidéos des abysses déchainées, ralentissent et alourdissent le spectacle et vont à l'encontre de l'écriture vive et moderne de Bond, adepte d'un théâtre de l'instant.

Dans cette société étriquée et ridicule, Bond observe comment chacun se débat avec ses propres peurs et la crainte du chaos. En revanche, cette crainte demeure diffuse, pas très bien expliquée : est-ce une référence à la montée contemporaine des extrémismes ou au contraire à la guerre qui va survenir quelques années plus tard  ?
Scénographie de Jacques Gabel
 (C.Raynaud de Lage/Comédie-Française)

Dix-sept comédiens admirablement dirigés

Les dix-sept comédiens admirablement dirigés par Alain Françon (qui est à l'origine de la découverte de Bond en France) donnent en tout cas toutes les nuances aux drames existentiels qui se jouent.

Laurent Stocker, absolument méconnaissable, incarne avec une belle sobriété l'ermite philosophe qui subodore la catastrophe à venir. Jérémy Lopez (le rescapé) et Adeline d'Hermy (la jeune veuve éplorée), portent dans cette noirceur l'espoir d'un autre avenir, poussés à s'enfuir par Mrs Rafi, dont on découvre, comme pour les autres personnages, qu'elle n'est pas tout d'une pièce.

Il est très rare que soit joué un auteur encore vivant dans la salle Richelieu de la Comédie-Française, et qui plus est, étranger. On est heureux d'y voir cette fois, un des grands maîtres de la scène mondiale.

L'interview de Laurent Stocker et dernières répétitions :

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