"L'Origine du monde" : Sébastien Thiéry régle ses comptes avec sa mère !
L’Origine du monde, y-a-t-il un rapport avec Courbet ? Et bien oui en quelque sorte ! Après de beaux succès dans le théâtre privé ("Comme s’il en pleuvait" avec Pierre Arditi et Evelyne Buyle, "Qui est Monsieur Schmitt ?" avec Richard Berry) Sébastien Thiéry repasse une tête dans le public, là où il sait pouvoir régler ses comptes avec sa mère en toute liberté … et ça décoiffe !
Jean-Louis, 40 ans, réalise en rentrant chez lui que son cœur ne bat plus. Est- il mort ? En sursis ? Son ami vétérinaire n’y comprend rien. Seul un marabout africain semble en mesure de l’aider. Mais pour cela il a besoin de remonter à la source de ses problèmes : sa mère, et plus exactement au sexe de sa mère.
Voir une pièce de Sébastien Thiéry, c’est la garantie d’être surpris. Fantaisiste, il manie avec une alchimie toute personnelle le burlesque et l’absurde pour nous dire des choses très sérieuses finalement. Dans ce nouveau spectacle qui a parfois des fragilités d’écriture, on rit beaucoup. Autour de l’auteur-acteur, l’impayable Isabelle Sadoyan dans le rôle de la mère et dans celui du copain, le réjouissant Grégoire Bonnet. Quant à la mise en scène elle est signée Jean-Michel Ribes,
Souvenir, souvenir. En 2005 c’est Ribes qui nous présentait un tout jeune auteur qu’il mettait en scène dans la toute petite salle du Rond-Point : Sébastien Thiéry et sa première pièce « Sans ascenseur ». Huit ans plus tard il récidive
Après la Première, petites conversation avec l’auteur et le metteur en scène Jean-Michel Ribes
franceinfo Culture : C’est le retour dans votre théâtre du désormais grand Sébastien Thiéry ?
Jean-Michel Ribes : C’est moi qui l’ai fait naître un peu… Cette fois ci on a fait un travail de complicité, on a retravaillé la pièce. Je suis l’arrangeur, il est le créateur.
Ce que je trouve bien dans cette aventure c’est que le grand Sébastien Thiéry est souvent classé comme un auteur de boulevard, et je trouve que c’est plus que ça. Il se retrouve ici dans un climat qui est un peu différent de celui du théâtre de digestion. Je crois qu’on aperçoit quelque chose de fort, dans cette pièce. Ce qui m’a beaucoup plu c’est que derrière sa cocasserie habituelle, il y a une angoisse qui ronronne, il y a, il me l’a dit, cette carence affective autour de sa mère qui ne l’a vraiment jamais serré dans ses bras. Et cette manière de le raconter avec rire, folie, métaphore. Cette pièce est extrêmement drôle et en même temps extrêmement violente, décalée. Il fait un théâtre qui est une troisième voie ; tout à fait inclassable, c’est ce que j’aime.
Sébastien Thiéry écrit le monde tout en le réinventant, dans une sorte de dérapage de la réalité mais sans jamais la nier. Je trouve cette pièce dadaïste, poétique, c’est quand même très drôle !
franceinfo Culture : Comment est née l’idée de cette pièce ?
Sébastien Thiéry : Jean-Michel (Ribes) a émis le souhait que je refasse une pièce au Rond-Point, je fais plutôt des pièces au théâtre privé. J’avais envie de faire quelque chose de plus incorrecte, de plus violent que d’habitude. J’avais un sujet en tête que je ne pouvais pas faire dans le théâtre privé, vous imaginez pourquoi ! Je lui ai dit, c’est un homme qui doit prendre en photo le sexe de sa mère, il m’a repondu : « je trouve ça abominable, écrit la, on verra ». Je l’ai écrite et finalement c’était moins vulgaire que ce qu’il imaginait et même pas du tout j’espère. Et du coup il a adoré la pièce, en tout cas il l’a lu et je ne sais pas s’il a bon goût ou pas, en tout cas il l’a monté.
Alors ces retrouvailles avec Ribes ?
Sébastien Thiéry : On ne s’est jamais vraiment quitté, on a gardé le contact. Mais j’étais content de travailler dans le théâtre privé parceque les pièces se jouent longtemps, j’avais envie de gagner de l’argent et d’acheter un appartement ! Maintenant j’ai un appartement, je suis heureux de revenir ici.
Il vous a donné votre chance ?
Sébastien Thiéry : C’est plus que ça, c’est lui qui m’a lancé. C’est le premier à m’avoir fait confiance et à monter ma première pièce (« Sans ascenseur ») comme metteur en scène.
Il fallait oser demander à la grande Isabelle Sadoyan de jouer votre mère ?
Sébastien Thiéry : Je pense qu’il n’y a pas mieux que des actrices tragiques pour jouer ça. Il faut jouer vrai. Si on pense que le type qui glisse sur une peau de banane se fait vraiment mal, c’est drôle.
Elle a été très destabilisée au début, elle ne savait pas si elle voulait le faire ou pas.
Elle s’est convaincu elle-même, peut être par nous aussi, et elle est très heureuse de jouer ça maintenant.
La fin de l’Origine du monde est assez déconcertante ?
Sébastien Thiéry : Cela ne pouvait pas se finir autrement, c’est une parabole, il faut tuer sa mère pour vivre soi même.
Le privé n’est pas prêt à accueillir une pièce comme celle-ci ?
Sébastien Thiéry : J’ai la chance d’avoir de grands acteurs qui jouent mes textes et ces grands acteurs sont assez soucieux du remplissage, du fait qu’ils ont une cote, donc ils n’ont pas envie de prendre trop de risques. Ils en prennent déjà en jouant mes pièces, mais celle là est trop outrancière, je pense, pour le spectateur du théâtre privé qui va payer 60 euros sa place. Le dentiste de Limoge, à mon avis, ne va pas aller voir ça.
On a la chance en France d’avoir différent type de théâtres, des théâtres commerciaux, des théâtres plus ambitieux sur le fond. Je trouve ça géniale d’avoir toutes ces possibilités là.
Il y avait également cette envie de remonter sur scène ?
Sébastien Thiéry : J’ai joué dans les pièces des autres en fait, ça m’a un peu aéré de ne pas être responsable de tout, mais là j’avais très envie de rejouer et d’être dirigé par Jean Michel, on s’entend bien.
Votre mère va-t-elle venir voir la pièce ?
Sébastien Thiéry : J'ai des rapports compliqués avec ma mère ! Oui elle va venir la voir, si elle se pend après, je vous appelle !
"L'Origine du monde" au théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin Roosevelt Paris VIIIe
Du 11 septembre au 2 novembre à 20h30
Réservation : 01 44 95 98 21
De Sébastien Thiéry
Mise en scène : Jean-Michel Ribes
Avec Grégoire bonnet, Diouc Koma, Camille Rutherford, Isabelle Sadoyan et Sébastien Thiéry
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