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L'avocat Eric Dupond-Moretti bête de scène, ovationné au Théâtre de la Madeleine

Le tonitruant avocat pénaliste Eric Dupond-Moretti se raconte avec sincérité dans "A la barre" au Théâtre de la Madeleine. Et se révèle une bête de scène !
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 1min
 Eric Dupond-Moretti "A la Barre" au Théâtre de la Madeleine
 (Emanuele Scorcelletti)

"Il était long, long le chemin jusqu’au Théâtre de la Madeleine", bougonne Eric Dupond-Moretti en déboulant des coulisses. Il ne pensait pas si bien dire : le quartier était entièrement bouclé ce samedi-là, pour cause de gilets jaunes, il fallait montrer patte blanche, c’est-à-dire sa place de théâtre, pour franchir les barrages de police !

Pendant deux heures, Dupond-Moretti occupe l’espace, s’adresse au public captivé comme à un jury. L’itinéraire d’un grand pénaliste en 4 actes.

Naissance d’une vocation

La naissance de sa vocation, ce ténor du barreau la situe dès son enfance dans les années 60. Fils d’émigrés italiens, il est très tôt révolté par les injustices de la vie : aussi bien des injures racistes ("sales macaronis") inscrites sur les murs, que la mort de son père d’un cancer alors qu’il n’a que quatre ans, ou ce grand-père assassiné sans qu’on enquête. Dupond-Moretti sera élevé par une Mère Courage qui fait des ménages.

"Quelqu’un que j’aime me répète souvent avec ses mots à elle : "Il faut s’indigner ! Toujours ! Se révolter ! Refuser l’injustice !"

Dupond-Moretti
L’affaire Christian Ranucci, un des derniers condamnés à mort en France et dont la culpabilité fait polémique, sera le déclic : devenir avocat plutôt que juge.

"Les mots. Les mots, bien sûr. Et puis se lever, se lever pour prendre la parole, essayer de convaincre, comprendre que l’on a convaincu ; c’est jouissif. C’est de la séduction"

Dupond-Moretti
D’ailleurs, ajoute-t-il avec humour, il a fait avocat aussi pour plaire aux filles !

Pénaliste et rien d’autre

L’avocat rend un très bel hommage à son mentor Alain Furbury, avocat toulousain.

"Il m’a appris l’irrévérence. Et la défiance à l’égard du pouvoir quel qu’il soit. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai toujours refusé les décorations. J’ai la faiblesse de penser que le crachat de la foule sur une robe d’avocat est la seule distinction qui vaille".

Dupond-Moretti
Suit la narration assez désopilante de quelques ficelles du métier : "Bien sûr, il y a des trucs… Chaque avocat a ses propres tiroirs, mais aussi ceux qu’il a volés à quelqu’un d’autre". Nous n’en dévoilerons pas plus…

Défendre, "prêter sa voix"

Souvent drôle et malicieux, et toujours grande gueule, Dupond-Moretti se fait pourtant très sérieux lorsqu’il évoque le rôle de l’avocat.

"Tant que des acquittements seront prononcés, y compris des acquittements de coupables, le véritable innocent pourra rester serein. (…) C’est à l’accusation d’apporter la preuve de la culpabilité. (…) Défendre c’est empêcher de juger en rond".

Dupond-Moretti  
Eric Dupond-Moretti, bête de scène
 (Photo 12)

Les dérives de notre époque

En s’appuyant sur les grandes affaires qu’il a plaidées, Abdelkader Merah, le frère du terroriste de Toulouse, ou Georges Tron, ancien ministre jugé pour viol, Dupond-Moretti dénonce les dérives de la justice. C’est courageux dans la mesure où les affaires en question ont frappé le public. Mais lui, ce qu’il dénonce, c’est le comportement des juges, pas toujours très humains dit-il, qui cherchent à régler leurs comptes. Et puis il y a la présomption d’innocence souvent bafouée à cause d’une opinion publique, qui à l’heure des réseaux sociaux, s’immisce trop dans le judiciaire.

Cette deuxième partie du spectacle, Dupond-Moretti la consacre à ses colères dans un véritable jeu de chamboule tout : la dictature de l’émotion, les lanceurs d’alerte judiciaire parfois improvisés, les chaînes d’information continue qui donnent la voix à des "spécialistes" parfois autoproclamés, #balancetonporc qui voit la morale se substituer à la justice, la restriction de libertés sous couvert de lutte contre le terrorisme, voire l’hygiénisme, insupportable pour ce bon vivant ! Tout y passe de manière un peu systématique et pas assez argumentée souvent, comme si l’avocat se laissait prendre à l’émotion qu’il dénonce. Ce qui ne l’empêche pas de dénoncer un des travers de notre justice :

"Ce compassionnel qui occupe toute la place, de sorte que les droits de la défense sont relégués au rang d’accessoires" 

Dupond-Moretti   
Pendant deux heures, Dupond-Moretti raconte, alerte, éructe parfois, avec la sincérité d’un homme libre (et on l’aura compris avec quelques petites facilités). Le public, systématiquement enthousiaste, l’ovationne. Un vrai moment de théâtre, complément assez passionnant de l’excellent "Plaidoiries" où Richard Berry reprend cinq plaidoiries qui ont changé notre société.

Dupond-Moretti décidément omniprésent en ce début d’année, puisque c’est lui qu’interprète Olivier Gourmet dans le film "Une intime conviction" d'Antoine Raimbault, qui raconte l’affaire Viguier, ce professeur toulousain accusé du meurtre de sa femme, dont l'avocat avait obtenu la relaxe.  
  (DR)

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