Jean-Pierre Grédy, grande figure du théâtre de boulevard, est mort à 101 ans

Jean-Pierre Grédy, auteur de théâtre qui forma durant des décennies un tandem à succès du théâtre de boulevard avec Pierre Barillet, mort en 2019, s'est éteint à l'âge de 101 ans, ont annoncé lundi 7 février ses proches dans les colonnes du Figaro. "Ses dernières pensées auront été pour sa famille et ses amis qui lui ont fait une belle vie", écrivent-il. Ses obsèques "ont eu lieu comme il le souhaitait dans la plus stricte intimité familiale", poursuivent-il. La date du décès n'a pas été indiquée.

Des pièces adaptées à Broadway et Hollywood

Fils d'un professionnel de l'import-export, Jean-Pierre Grédy naît à Alexandrie, en Égypte, le 16 août 1920. Élève dans un collège de Jésuites, il obtient une licence de lettres ainsi que de droit. Il commence sa carrière au cinéma, où il écrit des scénarios de films. Réfractaire au Service de travail obligatoire (STO) en Allemagne, il passe la fin de l'Occupation dans la clandestinité. Puis, désireux d'écrire des scénarios pour le cinéma, Grédy intègre l'IDHEC à Paris (Institut des Hautes Études Cinématographiques).

À la fin des années 40, une rencontre va changer sa vie, celle avec Pierre Barillet. Dès 1948, ils écrivent le vaudeville Le Don d'Adèle qui dépassera mille représentations et reçoit le prix Tristan-Bernard. Grâce à ce succès, Grédy délaisse le cinéma au profit du théâtre.

Ensemble, les deux complices formeront un tandem emblématique du théâtre de boulevard et signeront une trentaine de pièces, dont plusieurs ont été traduites à l'étranger, et une quinzaine d'adaptations. Ils seront indissociables : on disait Barillet et Grédy, comme Boileau-Narcejac en littérature policière ou Goscinny et Uderzo dans la BD. L'essor de la télévision, dans les années 60, a rendu populaire ce duo espiègle, doué pour faire rire, champion du quiproquo et de la répartie piquante.

Portrait et interview des deux auteurs dans l'émission Aujourd'hui la vie sur Antenne 2, en 1983

Leur pièce Quarante carats (1965) a été jouée à Broadway, par Julie Harris sur les planches puis par Liv Ullmann dans une adaptation cinématographique. En 2010, François Ozon a adapté Potiche en confiant à Catherine Deneuve le rôle créé autrefois par Jacqueline Maillan, l'une des actrices fétiches du tandem Barillet et Grédy.

Une autre célèbre pièce, Fleur de Cactus (1964) où brilla Sophie Desmarets, a été adaptée à Broadway avec Lauren Bacall, puis au cinéma avec Ingrid Bergman. La pièce a été donnée à Paris de 1964 à 1967, puis en province. Sophie Desmarets la reprendra vingt ans plus tard, en 1987. Elle a également mené au triomphe deux autres textes de Barillet et Grédy, Quatre pièces sur jardin (1969-70) et Peau de vache (1975).

Une "alchimie" née d'une "complémentarité sans rivalité"

On doit aussi au duo des pièces comme Ami-ami, Le Bon Débarras, La Reine blanche, Le Grand Alfred, Folle Amanda, Magic palace, Le Peignoir rouge... Au cinéma, ils ont collaboré avec René Clair pour Les Belles de nuit. Par ailleurs, Grédy a mené également une carrière en solo, écrivant ballets et paroles de chansons

Jean-Pierre Grédy, selon son complice, était "celui qui raffine, qui peaufine, qui pinaille. Il tenait la plume, assis à la table de travail. Pour ma part, j'arpentais la pièce en lançant des idées, trouvant parfois Jean-Pierre trop perfectionniste. L'alchimie tenait certainement à cette complémentarité sans rivalité".

Dans ses mémoires, Tous ces visages (Grasset, 2007), Jean-Pierre Grédy assumait parfaitement d'avoir "fait carrière dans le badinage". "Dédaigné par certains, notre répertoire tient le coup. Je me fiche de la postérité. Nos comédies seront reprises quand elles auront passé la phase du démodé. Elles reflètent à leur façon leur époque." "J'étais sans doute fait pour la facilité", concluait le vieux monsieur qui, malade, s'était retiré du monde public depuis quelques années.


En 2016, le duo Barillet-Grédy était à l'honneur d'un reportage pour l'émission Entrée libre (France 5) à l'occasion de la reprise de la pièce Peau de vache dans une mise en scène de Michel Fau, avec Chantal Ladesou :