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"Je te pardonne (Harvey Weinstein)" de Pierre Notte : un "procès-cabaret" pour la réouverture du théâtre du Rond-Point

Du 1er au 26 juin, sur la grande scène du théâtre du Rond-Point, le metteur en scène et comédien Pierre Notte dévoile son nouveau spectacle : "Je te pardonne (Harvey Weinstein)". L'occasion pour Franceinfo d'assister aux derniers préparatifs avant la Première. 

Article rédigé par franceinfo Culture - Jérémie Laurent-Kaysen
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5 min
"Je te pardonne (Harvey Weinstein)" de Pierre Notte au théâtre du Rond-Point. (JEANNE DIDOT)

Connu pour son spectacle Moi aussi je suis Catherine Deneuve, récompensé par le Molière du théâtre privé en 2006, Pierre Notte revient sur les planches du théâtre du Rond-Point pour sa grande réouverture. Dès mardi 1 juin, le public pourra apprécier Je te pardonne (Harvey Weinstein), un "procès-cabaret" loufoque, entre réquisitoire et variété française. Nous avons rencontré les quatre comédiens en pleine répétition. 

Du stress et de l’excitation

Mercredi 26 mai, sur la scène du théâtre du Rond-Point, les trois comédiens (Marie Notte, Pauline Chagne et Clément Walker-Viry) du nouveau spectacle de Pierre Notte s’agitent en rejouant la pièce en accéléré. Ils ne leur restent plus que cinq journées de répétition avant la grande première. Aujourd'hui, toute l’attention est portée sur les lumières qui doivent être adaptées à la grande scène du théâtre. "Si le directeur du Rond-Point, Jean Michel Ribes, nous a proposé d’intégrer la grande salle, je pense que c’est parce qu’il voulait que cette réouverture soit teinté de provocation, d’inattendu, de singulier" explique Pierre Notte, auteur et metteur en scène de la pièce.

Des répétitions énergiques mais emprunts d’inquiétude. James, régisseur du théâtre, doit adapter la création lumière d’Antonio de Carvalho, régisseur du Cirque de Pékin, prévue au départ pour une plus petite scène. "C’est normal que Marie soit aussi rose ?", "Ah parfait l’éclairage sur Clément, là on a vraiment un Michel Berger !". Avec son chapeau sur la tête, ses vêtements noirs, Pierre Notte lâche ces commentaires animés quelque-part dans la pénombre des gradins. Sur le plateau, Jeanne Didot, son assistante à la mise en scène, le remplace dans son rôle pour qu'il puisse avoir un regard extérieur sur la pièce. Il n’essaye en aucun cas de cacher son angoisse. "On était prêt à jouer mais dans une cave, dans un petit lieu, devant trente personnes ou quarante. Et là on nous propose de faire notre représentation sur le grand plateau. C’est à la fois très excitant et en même temps totalement suicidaire" continue-t-il.

Sur scène, les comédiens sont détendus et font preuve d’une grande complicité. Ils abordent la reprise et ces changements de dernières minutes avec sérénité. "Je n’ai pas peur du tout de rejouer devant un public, au contraire, je suis très excitée" confie Pauline Chagne, l’une des deux comédiennes de la pièce. "Il y a une semaine j’avais un peu la trouille de jouer sur cette scène surtout. Mais finalement on est loin du public et avec la lumière on est complètement dans notre monde" complète Clément, pianiste et acteur. Pour Marie, la soeur de Pierre, le stress est au même niveau qu’à l’accoutumé : "Je suis assez peu comédienne. Mon dernier spectacle était il y a quatre ans et celui d’avant, il y a 12 ans ! Mais le sentiment est le même systématiquement que je fasse deux ou quatre représentations : la peur, l’excitation et l’impatience".

"Une fête autour d'une catastrophe"

A 16h tapantes, le filage commence. Les comédiens sautent dans leur costume. Jeanne redonne son rôle à Pierre Notte et remet le décor en place. Devant un public de quelques personnes, principalement des employés du théâtre, les multiples personnages de la pièce envahissent la scène et donnent vie à ce "cabaret-procès".

Je te pardonne (Harvey Weinstein) s’intéresse au "plus grand héros monstrueux du monde actuel". A la barre, le réalisateur américain est confronté à plusieurs témoignages de femmes comme Christiane Taubira, Elisabeth Badinter ou Adèle Haenel. Un réquisitoire entrecoupé de chansons et de confettis. "Je ne dirais pas que c’est une pièce féministe parce que ce serait une insulte envers celles qui mènent ce combat avec des armes plus sérieuses et efficaces. Nous on organise une fête autour d’une catastrophe. C’est une sorte de poème caca, une chose dégoûtante, une farce", explique son metteur en scène.

Les quatre comédiens de "Je te pardonne (Harvey Weinstein)" ( de gauche à droite) : Marie Notte, Pauline Chagne, Clément Walker-Viry, Pierre Notte.  (JEANNE DIDOT)

Pendant près d’une heure et demi, les comédiens dansent et chantent tout en portant à bout de bras une lourde condamnation : "le cabaret permet tout : la tragédie, la poésie et aussi le procès. Notre spectacle est non-binaire, non genré. Il est dans toutes les cases".

Au programme, des réflexions sur la position effacée et bafouée des femmes dans notre société mais aussi sur la sexualité des poissons clowns ou sur la particularité du clitoris. "On s’interroge ensemble, joyeusement. Mais une question est plus présente que les autres : Comment a-t-on laissé ces hommes-là faire ce qu’ils ont fait ? On essaye de brûler ensemble les monstres que nous avons nous même engendré" explique Pierre Notte. Ce dernier entre dans la peau de Harvey Weinstein et arrive sur scène coiffé d’une couronne dorée et d’un long manteau de roi de conte de fée. "Je voulais absolument endosser ce rôle. C’est une manière pour moi d’avouer que j’ai aussi ri avec les assassins. Je n’en suis pas fier et j’avoue ma lâcheté. C’est pour ça que je veux me jeter dans le vide, sur ce grand plateau, avec ces amis-là parce qu’ils vont me retenir, ils vont me soutenir". Tout au long de la pièce, le corps du réalisateur américain se transforme. Il commence à avoir de la cellulite, puis de la poitrine pour son plus grand malheur...

Ludique et instructive

Une fois la représentation terminée, les comédiens se rejoignent dans le hall du théâtre pour le debrief de fin de journée. Des mines fatiguées, soucieuses, à l’écoute des commentaires des quelques personnes qui composaient le public. "Dans la chanson avec le prince charmant, prenez plus votre temps. Il manque un peu de surprise, il faut que ce soit un peu plus ludique", conseille Murielle, une amie metteuse en scène de Pierre Notte. Tout le monde a préféré en revanche le lancé de chamallow au lancé de fraise. "C’était mieux aussi cette fois-ci quand tu faisais les crêpes. J’ai eu plus de temps pour me changer et tout s’est bien enchaîné", ajoute Pauline Chagne.

Pauline Chagne, dans "Je te pardonne (Harvey Weinstein)" de Pierre Notte.  (JEANNE DIDOT)

Une chose est sûre, ce quatuor de perfectionnistes compte faire de la réouverture du théâtre du Rond-Point une véritable fête ce mardi 1er juin. Les spectateurs ne resteront pas passifs pendant la pièce puisque ce sont eux qui décideront s'il faut condamner ou pardonner Harvey Weinstein. Pour Pierre Notte, peu importe le résultat, l'essentiel est que le public se joigne à leur folie : "On le fait avec tout notre coeur, avec violence, force et conviction. On essaie de faire au mieux, on se plantera, on va se suicider sur scène, on va se ramasser, tant pis. La seule chose que nous voulons c’est que ça en vaille la peine. Il faut que ce soit une sorte de Noël catastrophique".

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