"Aimer, c'est un mouvement" : "Extra life", l'expérience multisensorielle de Gisèle Vienne
C'est comme l'évocation d'un rêve, avec ses souvenirs précis, d'autres diffus, agréables ou angoissants. Sur un plateau embué de fumée, recouvert de gravats, une voiture où un frère et une sœur se retrouvent après une nuit de fête. Ils se marrent. Longtemps séparés, ils ont vécu enfants le même traumatisme, violés par un oncle. Mais cette nuit, ils sont ensemble et imaginent un avenir possible : "Ils peuvent ouvrir leur carapace, comme s'ils s'étaient désensibilisés, dit Gisèle Vienne. Ils sont peut-être à un moment de leur vie où ils ont compris les mécanismes intimes, les mécanismes sociétaux, ce qui leur est arrivé".
"Aimer, ça s'apprend"
Mais cette ouverture sensible amène aussi la douleur. Derrière les rires pointe le souvenir des traumas, qui traverse les corps sans prévenir. Jusqu'à ce que le personnage d'Adèle Haenel dise : "Aimer, ça s'apprend". En fabriquant des images scéniques incroyablement précises, Gisèle Vienne illustre sa pensée : "Aimer, c'est un mouvement".
Ce qui est magnifique, c'est de travailler la pluralité des langages.
Gisèle Vienneà franceinfo
Adèle Haenel et Théo Livesey, la sœur et le frère, sont rejoints par un troisième personnage, Katia Petrowick. Elle est l'autre, inquiétante ou complice. Quand les mots ne suffisent plus, les corps s'animent, au ralenti. La danse, la musique de Caterina Barbieri, les lumières ciselées de laser d'Yves Godin, il faut s'abandonner à ces images oniriques, parfaitement maîtrisées.
"Dans Extra life, précise Gisèle Vienne, j'ai choisi de travailler sur des formes très différentes, en fait on est éduqués à ne pas écouter, ne pas lire, ce qui s'appellerait le silence. Alors que le silence parle énormément. Ce qui est magnifique dans le cinéma, le théâtre, la danse, c'est de travailler la pluralité des langages qui font langage."
L'expérience qui sollicite tous les sens du spectateur, est étonnamment lisible. On pense à Pina Bausch, Claude Régy, David Lynch... pas moins ! De son travail, Gisèle Vienne dit qu'il se nourrit de hargne, d'intelligence et d'humour. Quand Adèle Haenel apparaît en veste à capuche façon boule à facettes, on sourit, elle a l'air si heureuse sur scène. Trois ans après L'étang, sa collaboration avec Gisèle Vienne prend une dimension plus large et collective.
Extra life de Giselle Vienne à la MC93 de Bobigny jusqu'au 17 décembre, en 2024 à Douai, Grenoble, Genève, Le Havre.
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