"En six ans de détention, c'est la première fois que je vais sortir" : des détenus montent sur scène à Bobigny
Des prisonniers du centre pénitentiaire de Meaux vont participer à un spectacle vendredi à Bobigny. Une initiative qui permet de les aider à se réinsérer dans la société, à l'approche de la fin de leur peine.
C'est un projet d'insertion inédit qui voit le jour au centre pénitentiaire de Meaux, en Seine-et-Marne. Des comédiens et des musiciens joueront vendredi 25 septembre en soirée aux côtés de détenus - qui ont permission de sortie pour l'occasion - sur la scène du centre culturel de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, la MC93.
Ce projet s'appelle Watch, il est mené depuis des mois par l'orchestre de chambre de Paris. Quelques jours avant le grand soir, les détenus ont participé à une répétition générale. Parmi eux, Hadyl : "En six ans de détention, c'est la première fois que je vais sortir. Je n'ai pas beaucoup dormi cette semaine, depuis qu'on m'a annoncé que ça allait être possible."
Ça va être un honneur pour mes soeurs de me voir sur scène, de ne pas me voir comme prisonnier mais comme comédien.
Hadyl, un détenuà franceinfo
Ces acteurs un peu particuliers ont travaillé depuis des mois sur l’écriture, le travail du corps, la musique, etc… Tout a commencé à l’automne dernier par des ateliers d’écriture : des patients de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, des personnes mal-logées du centre d’hébergement d’urgence Popincourt du Samu social ou encore des résidents de l'Ehpad Hector Berlioz de Bobigny ont écrit des textes sur leur rapport au temps. "À partir de février, on a fait dialoguer ces textes avec ceux écrits par les détenus, puis une répétitrice leur a fait travailler la diction, la tenue sur scène… C’est une expérience incroyable", raconte le metteur en scène Olivier Fredj.
"En prison, comme à l’hôpital ou en Ehpad, on perd un peu la notion du temps. On s’est rendu compte en échangeant qu’on avait les mêmes ressentis", détaille Sofiane, un détenu. Sauf que les résidents d’Ehpad ou les malades chroniques ne peuvent pas se produire sur scène. Alors les détenus "portent leurs mots", leur donnent une voix. Les détenus ont eux aussi écrits leurs textes. Puis tout cela a été mis en scène par Olivier Fredj et mis en musique par l’orchestre de chambre de Paris, par la pianiste internationale Shani Diluka et par le musicien électro Matias Aguayo. "J’ai intégré des sons du réel, de la prison ou de l’hôpital, pour en faire quelque chose de rythmique et l’intégrer à la musique", explique-t-il.
Une étape importante dans la réinsertion des détenus
La construction d’un tel spectacle a également une visée pédagogique. Il permet à des détenus qui arrivent à la fin de longues peines – plus de trois années de prison – de s'ouvrir progressivement au monde extérieur et de découvrir d’autres horizons : le théâtre, l’écriture et la musique. "J’ai commencé à écrire en prison, lorsque j’étais au mitard, la cellule disciplinaire", raconte ainsi Sofiane, qui déclame désormais avec brio ses textes sur scène.
Comme Sofiane ou Hadyl, tous ces détenus comédiens d'un soir sont volontaires et ont signé un contrat de travail pour ce projet et sont rémunérés à la moitié du Smic. "On contribue comme ça à la remise en société – au niveau professionnel également – de ces personnes", explique Irène Muscari, coordinatrice culturelle du service pénitentiaire d’insertion et de probation. C’est la sixième année que le théâtre s’invite à la prison de Meaux. Une fidélité qui a même fait naître quelques vocations : "Deux ex-détenus ont décidé après leur sortie de prendre définitivement la route du théâtre, et aujourd’hui ils sont comédiens et ont le statut d’intermittents du spectacle", se félicite Irène Muscari.
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