Denis Podalydès, un "Hamlet" sobre dans un pub anglais
Un pub anglais, avec bar, juke-box, murs tapissés de trophés, et piste de danse. De chaque côté de la scène des sanitaires un peu glauques avec distributeur de préservatifs.
C’est dans cet univers que le metteur en scène Britannique Dan Jemmett transporte Hamlet, qu’il voit « Comme un huit clos dont l’intrigue ressemble à un fait divers… La question est pour moi de savoir si des personnages peuvent avoir des états d’âme shakespeariens dans un lieu plutôt banal, comme on en voit à la télévision ».
Hamlet en a vu d’autres et la réponse est oui. Il faut dire que dans son manteau de deuil il y a Denis Podalydès. Ce rôle de prince du Danemark dont le père a été assassiné par son oncle (Claudius), qui aussitôt épouse sa mère, le comédien en rêvait depuis toujours.
Ce texte monumental sur tout ce qui fait l’homme, la fidélité, la trahison, la vengeance, il nous l’assène avec une évidence, une force, une gestuelle confondante, délivrant sans crier gare, LA fameuse tirade « To be or not to be ». Il est tour à tour l’orphelin torturé devant le spectre de son père, le fils déchiré par l’infidélité de sa mère, l’amant cruel d’Ophélie, le machiavélique qui utilise le théâtre comme outil de sa vengeance. Et la composition est d’autant plus remarquable que le prince est un homme beaucoup plus jeune que Podalydès, 50 ans. Mais son Hamlet nous touche au cœur parce que jamais hystérique, terriblement humain, et sans doute beaucoup plus sage que fou.
Avec ses petites lunettes orange à la Elton John, Hervé Pierre incarne un Claudius qui joue les petites frappes, toujours une liasse de billets dans la poche, car tout s’achète et surtout le silence. Clotilde de Bayser en reine Gertrude, est une potiche manipulée et pitoyable. Eric Ruff fait un grand écart brillant entre le rôle du spectre et celui du comédien, aux allures de Rod Stewart.
On ne cille pas devant les trois heures de spectacle. Et l’on supporte même, les Pattes d’eph, les costard à revers de satin, les coupe de cheveux très années 80, les tubes de juke boxe et les blagues salaces. Cela nous rappelle que la langue de Shakespeare n’est pas à mettre entre toutes les oreilles et qu’il y a dans ses plus grandes tragédies, des instants bouffons ou déjantés. Mais cette désacralisation, certes malicieuse, était elle nécessaire à ce point ?
"La Tragédie d'Hamlet" à Comédie Française
Mise en scène de Dan Jemmett
Du 7 octobre 2013 au 12 janvier 2014
3 heures avec entracte
1 Place Colette, Paris Ier
Réservation : 0825 10 16 80
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.