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"C’est la première fois que je vais voir un spectacle" : des collégiens découvrent l’art théâtral au Festival d’Avignon

Le Festival d’Avignon attire chaque année plus de 200 000 spectateurs dans le In et dans le Off. Tous les publics s’y rencontrent, du plus aguerris aux débutants. Des organismes, comme le centre des jeunes du festival d’Avignon, apprennent aussi aux plus jeunes l'art d'être un bon spectateur. 

Article rédigé par franceinfo Culture - Jérémie Laurent-Kaysen
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Collégiens en rond autour d'Agathe, animatrice, pour le bilan de leur séjour au Festival d'Avignon.  (JEREMIE LAURENT-KAYSEN)

Au lycée Saint-Joseph, les cours sont finis depuis plusieurs semaines. Pourtant l’établissement scolaire est encore plein d’enfants de tous âges, jouant au ballon ou discutant sur un banc. Alors que les vacances d’été ont débuté, ils ont décidé de faire des heures supplémentaires pour découvrir le Festival d’Avignon.

L’association des Centres de jeunes et de séjours du Festival d’Avignon (CDJSF) organise chaque année des séjours autour de cet événement théâtral. Des petits groupes d’une vingtaine de personnes sont invités à s’immerger dans l’énergie du festival et à apprendre à devenir spectateur. Cette semaine, l'établissement accueille une quarantaine de collégiens, de la 6e à la 4e. Ils habitent tous aux alentours d’Avignon mais certains, ne sont jamais allés voir une pièce de théâtre.

À la découverte du Festival In

"Quand on a commencé ce dispositif en 2016, on avait seulement quatre jeunes intéressés. L’année d’après, il y en avait 130 ! On n’a pas quitté ce chiffre là depuis". Régine est animatrice et dirige le séjour. Elle s’occupe de la planification, de la réservation des billets de spectacle et veille au bon déroulement du projet. Souriante, avec son t-shirt jaune vif et un bandeau dans les cheveux, la jeune femme est très satisfaite du fonctionnement de ce dispositif. "C’est génial de pouvoir emmener des jeunes voir des spectacles qu’ils n’iraient pas voir autrement. Ils viennent tous de milieux sociaux différents, se mélangent et se réunissent pour assister tous ensemble aux mêmes spectacles".

Les collégiens en séjour au lycée Saint Joseph dans le cadre du festival d'Avignon.  (JEREMIE LAURENT-KAYSEN)

Durant cette semaine de découverte, Régine est entourée d’une équipe de choc. Trois étudiants d’une vingtaine d’années, passionnés de théâtre, organisent des ateliers pour sensibiliser les enfants aux trois pièces qu’ils iront voir. Au programme, bien évidemment La Cerisaie de Tiago Rodrigues, dans la Cour d’honneur du Palais des papes, mais aussi Fraternité, conte fantastique de Caroline Guiela Nguyen. Des ateliers de préparation sont réalisés avant le spectacle et un atelier de débriefing pour recueillir les impressions des jeunes spectateurs. "Ce n’est pas évident de faire un atelier sur une pièce qu’on n’a pas encore vu", confie Agathe, chargée de l’atelier Fraternité. "Je me suis appuyé sur les dossiers de presse et les quelques images que j’ai pu trouver. L’atelier doit aussi être adapté au niveau de chacun".

Agathe fait des études de langue, elle est férue de théâtre depuis ses 5 ans, âge auquel elle a commencé ses premiers cours. "Il n’y pas d’âge pour s’y intéresser, nous explique-t-elle, enthousiaste. Personnellement, j’ai toujours voulu faire de ma vie une pièce de théâtre !". Avec ce séjour, elle aimerait faire comprendre que le théâtre peut être tout autant accessible que le cinéma : "Je veux apprendre aux plus jeunes à être spectateurs et spectatrices. Ils habitent tous Avignon, ils ont chaque année un festival dans leur ville mais ne savent pas forcément quel spectacle aller voir et comment le choisir".

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Créativité et enthousiasme

Fraternité, conte fantastique raconte l’histoire d'une population dans l’attente. À la suite d’une éclipse de quatre minutes, la moitié de la population terrestre a disparu. Des enfants se retrouvent sans parents, des épouses sans mari, des couples sans enfants. À travers cette pièce, la metteuse en scène questionne la disparition d’êtres chers, le deuil mais aussi l’entraide.

Dans leur atelier, Agathe et Régine ont décidé de travailler sur la notion de souvenir et de mémoire. Les jeunes, de 10 à 14 ans, sont divisés en deux groupes : le premier doit réaliser un tableau vivant, le deuxième à une minute pour le mémoriser et ensuite le reproduire.

"Je suis vraiment étonnée de leur créativité, certains adultes seraient incapables d’avoir de telles idées", commente Caroline, une professeure de français venue encadrer l’atelier. Dans le petit groupe d’enfants qui s’active devant ses yeux, certains ont été ses élèves au cours de l’année. "C’est drôle parce qu’il y en a quelques-uns qui étaient très discrets en classe et qui se révèlent complètement pendant le séjour. Ils parlent fort et courent partout", explique-t-elle.

"J’ai plus de mal avec le théâtre"

Après plus d’une heure de pratique, les collégiens peuvent prendre quelques minutes de pause avant la seconde activité. Cet après-midi, ils iront voir Fraternité, conte fantastique. "Je ne pensais pas que l’atelier allait être comme ça, explique Bouimid, élève de 4e. J’imaginais qu’on allait travailler sur des textes ou jouer un morceau de la pièce. Mais j’ai malgré tout beaucoup aimé !". En revanche, elle reconnaît ne pas avoir compris grand-chose sur la pièce qu’elle s’apprête à voir. "Ça ne m’a pas vraiment donné envie d’aller la voir mais bon, on verra bien !".

Si Bouimid est allée peu de fois au festival d’Avignon, ce n’est pas le cas de tous ses camarades. "J’y vais chaque année avec mes parents", nous dit Emmy avec assurance. "Mais on va principalement voir des spectacles d’humour. J’ai plus de mal avec le théâtre contemporain".

Ravissement et mécontentement

Vendredi matin arrive le bilan du séjour. Chaque enfant a vu trois spectacles différents dans le festival In. Si tout le monde n’a pas pu aller au Palais des papes, ils ont tous vu Fraternité et ont unanimement adoré. "C’était génial ! J’ai surtout aimé quand les filles ont fait du rap et qu’elles ont parlé du gâteau en forme de teub !" explique Jahia, 13 ans, hilare.  

Réunis en cercle sous les arbres de la cour du lycée, les animateurs demandent à cette équipe de nouveaux spectateurs de noter leur semaine. Un carton presque plein, à l’exception de deux enfants qui annoncent ne pas avoir aimé leur séjour. "Je me suis beaucoup ennuyé, explique un garçon aux long cheveux blonds. "Sur les trois spectacles, je n’en ai aimé qu’un seul !". Une jeune fille acquiesce et ajoute : "Moi je n’ai pas aimé les horaires. La Cerisaie a fini beaucoup trop tard !".

Leurs autres camarades ne sont pas d’accord. Certains seraient même restés une semaine de plus. "J’ai adoré parce que je me suis fait des amis et en plus j’ai vu des spectacles superbes. Les ateliers de préparation ont été très utiles alors que je ne voyais pas trop l’intérêt au premier abord", partage Salomé, âgée de 14 ans. "Moi je n’étais jamais allé au théâtre avant. Les pièces étaient longues mais c’était quand même hyper stylé", complète un de ses amis.

"Mes parents étaient tellement jaloux !"

Après ce moment de partage, les animateurs apportent de grandes feuilles blanches aux enfants sur lesquels ils peuvent écrire des commentaires sur l’ambiance, les spectacles ou encore les ateliers. "Mitigé. Les spectacles étaient différents. J’ai adoré Fraternité, j’ai bien aimé Entre chien et loup et je n’ai vraiment pas aimé La Cerisaie", peut-on lire. Ou encore : "Ils nous ont fait ressentir toutes les émotions (compassion, effroi, ennui). Ce sont des spectacles qu’on n'irait pas voir de soi-même".  

Les collégiens en séjour au lycée Saint Joseph dans le cadre du festival d'Avignon.  (JEREMIE LAURENT-KAYSEN)

Pour Bouimid, rencontrée avant son premier spectacle, cette semaine est finalement une réussite : "J’ai surtout aimé Fraternité. Je n’ai pas tout compris sur le coup mais j’y ai réfléchi encore plusieurs jours après. Je ne pense pas que je pourrai aller voir d’autres spectacles à Avignon cette année donc je suis contente d’avoir pu faire ces trois-là". Emmy, quant à elle, est surtout contente d’avoir pu aller au palais des papes : "Mes parents étaient tellement jaloux !"  

Agathe et ses acolytes animateurs reconnaissent que la préparation des ateliers leur ont pris beaucoup du temps, mais ils sont heureux de voir qu’ils ont été utiles. "Les jeunes ont été majoritairement réceptifs aux pièces. Parfois le spectacle durait quatre heures et pourtant au moment de l'entracte, ils étaient impatients de voir la deuxième partie", raconte-t-elle.

Les séjours découvertes se termineront le 31 juillet avec la fin du festival et recommenceront dès l'année prochaine pour former de nouveaux spectateurs curieux. 

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