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"Cantate pour Lou von Salomé" : une femme d'exception au Studio Hébertot

Lou Andreas Salomé reste une des grandes figures féminines et féministes du XXe siècle. Première femme psychanalyste, amante de Nietzsche, de Rilke, de Freud et de Jung, plusieurs films lui sont consacrés ("Au-delà du bien et du mal", "A Dangerous Method"…). C’est désormais la pièce de Bérengère Dautun "Cantate pour Lou von Salomé", au Studio Hébertot à Paris, qui la met sous les feux de la rampe.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Sylvia Roux et Bérengère Dautun dans "Cantate pour Lou von Salomé" de Bérengère Dautun
 (Jean-Philippe Lacan)

Un texte ciselé

"Cantate pour Lou von Salomé" arrive sur scène dans la foulée de l’affaire Weinstein. Lou Andreas Salomé incarne ce combat des femmes pour leur liberté, leur indépendance et l'émancipation de tout paternalisme, par l’importance qu’elle eut au regard des hommes, parmi les plus grands du tournant du XXe siècle. La pièce à deux voix rétablit, par la figure de Lou, la place des femmes dans l’histoire intellectuelle et l’évolution des mœurs en Occident.

Bérengère Dautun, sociétaire de la Comédie-Française pendant trente ans, écrit avec "Cantate pour Lou von Salomé" sa première pièce. D’une grande exactitude au regard de son sujet, elle allie avec élégance une grande beauté de la langue, servie par une mise en scène sobre d’Anne Bouvier. La dramaturge a longtemps mûri sa création, se lançant dans l’écriture après avoir rencontré la comédienne Sylvia Roux en laquelle elle a reconnu "sa" Lou et qui l’accompagne sur scène.

Tournant du XXe siècle

Deux femmes vêtues de noir font face au public, frontales, hiératiques, comme par défiance dans un décor hétéroclite où dominent des livres (l’intellectuelle), une malle (les voyages) et un cheval de bois (la sensualité). Biographique sans être hagiographique, "Cantate pour Lou von Salomé" revisite la vie de la femme depuis sa naissance en 1861 à Saint-Pétersbourg jusqu’à son décès à Göttingen en 1937. Elle aura donc traversé ce tournant du siècle aux côtés des génies qui le forgèrent pour une grande part, en les éblouissant par sa beauté et son intelligence. Plus qu’une inspiratrice, une muse ou une égérie, Lou Andreas Salomé frappe par sa vie propre qui pourrait être une œuvre d’art, sinon un véritable manifeste.
Sylvia Roux et Bérengère Dautun dans "Cantate pour Lou von Salomé" de Bérengère Dautun
 (Béatrice Landré)

Fidélité et poésie

Bérengère Dautun et Sylvia Roux incarnent tour à tour Lou et les hommes qui la vénérèrent. L’on ne s’y perd pas pour autant. Les comédiennes endossent sans ambiguïté les personnalités comme cette maîtresse femme, son père, sa mère, le pasteur Gillot, Paul Rée qui la demandera en vain en mariage, Frida von Bülow, Freud et plus que tout autre Reiner Maria Rilke. Un absent : Carl Jung, mais comment être exhaustif avec une telle héroïne ? Voyageuse impénitente, Lou Andreas Salomé passe par Paris, Zurich, la Russie, l’Allemagne, et traversa l’âge d’or viennois aux côtés de Klimt et Schnitzler, puis subit l’irrésistible ascension d’Hitler.

Le texte de Bérengère Dautun, très documenté, est habité d’une poésie que les comédiennes déclament avec perfection. Un art qui a parfois tendance à se perdre dans le théâtre contemporain. Une très belle pièce, un beau duo de comédiennes, complémentaires, rendent un hommage vibrant à cette grande intellectuelle qui marqua son temps, dont la vie et l’œuvre demeurent plus que jamais d’actualité. 
"Cantate pour Lou von Salomé" : l'affiche
 (DR)

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