Avignon : "Memories of Sarajevo" et "Dans les ruines d'Athènes" en direct sur Culturebox
Elles ont trente ans et de l’audace à revendre. Julie Bertin et Jade Herbulot ont fondé leur compagnie, le Birgit Ensemble, qui fait référence à leur génération née au moment de la chute du mur de Berlin, "au moment où tout part de travers". Elles se sont connues au Conservatoire d’art dramatique à Paris, Julie a été formée à la philosophie, Jade est passée par Normale-sup.
Parce qu’elles étaient lassées d’entendre que leur génération était dépolitisée, parce qu’elles refusaient le discours décliniste, elles sont parties à la recherche du sentiment européen en enquêtant sur le siège de Sarajevo et la crise grecque, mais en joignant à la recherche d’archives des visites sur le terrain. Pour elles, l’objectif de "Mémories of Sarajevo" et "Dans les ruines d’Athènes" est de "clarifier cette crise européenne sans la simplifier grossièrement, sans donner un cours d’histoire et sans être moralisatrices".
"Mémories of Sarajevo" commence en 1992, dans l’euphorie de la signature du traité de Maastricht qui entérine le passage de la Communauté à l'Union européenne. Dans une scène satirique très drôle, dirigeants et têtes couronnées représentant les douze Etats membres paradent en tenues de soirées et verre de champagne à la main, rivalisant de discours creux avant de chanter en chœur l’Hymne à la joie. L’Europe rempart contre les "massacres du passé", ils veulent y croire. Quand déboule de l’au-delà un sombre personnage fustigeant ce fédéralisme au rabais et prédisant le retour de la guerre : l'archiduc autrichien François-Ferdinand, à cheval et costume d’apparat, assassiné en juin 1914 à Sarajevo…
Comme il l’avait prédit, quelques mois plus tard, en avril 1992, le siège de Sarajevo par les forces nationalistes serbes commence, il va durer trois ans.
Pendant plus de deux heures, Julie Bertin et Jade Herbulot jouent sur les contrastes entre l’Europe inefficace et impuissante placée au-dessus sur une sorte de podium, et le quotidien du peuple assiégé, en bas, soumis au froid, à la faim et aux snipers, mais qui continue la nuit à danser, à s’aimer, à écouter Nirvana.
Du vrai théâtre de troupe avec 14 comédiens qui jouent plusieurs personnages, et des femmes qui incarnent des rôles masculins (Slobodan Milosevic, Radovan Karadzic, Alija Izetbegovic). Le propos est terrible (Le général Mladic donne l’instruction de rendre fous les Serbes, Croates et Bosniaques qui osent vivre ensemble) mais la forme inventive et le rythme soutenu. Peut-être peut-on leur reprocher d’abandonner un peu trop vite les ruptures de ton qui donneraient plus de recul et de distance à leur propos.
On ne perd jamais le fil du récit qui retrace toutes les grandes étapes du conflit : les résolutions inutiles, le ballet des négociations, le refus d’intervenir, le référendum pour l’indépendance, les marches pour la paix… On est remué par ce spectacle qui interroge, donne chair à une histoire individuelle et collective, éclaire nos lâchetés de l'époque et notre indifférence.
Dans le deuxième opus traité de façon parodique, "Les ruines d'Athènes", que l’auteure de ces lignes n’a pas vu, le public participe à un jeu de téléréalité, "Parthenon Story", au cours duquel un des six candidats verra sa dette effacée...
Le public d'Avignon a afflué à ces deux spectacles, "Memories of Sarajevo" et "Dans les ruines d'Athènes" que Culturebox vous propose de suivre en direct d’Avignon à partir de 17h samedi 15 juillet (et en replay pendant 6 mois).
Les pièces seront reprises en tournée à la rentrée (Ivry, Alfortville, Châtillon, Nantes, Grenoble).
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