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Avignon 2018 : "Pur présent" d'Olivier Py, tragédie contemporaine manichéenne
Premier artiste depuis Jean Vilar à diriger le Festival d’Avignon, Olivier Py signe et met en scène "Pur présent". Il y rassemble trois pièces indépendantes qui forment un tout : "La Prison", "L’Argent" et "Le Masque". Trois parties, trois tragédies où le dramaturge puise son inspiration chez Eschyle en le projetant dans l’époque contemporaine. Puissant, mais avec des réserves.
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Comment vivre dignement
Olivier Py – auteur, metteur en scène, réalisateur, comédien et poète – a traduit les sept pièces d’Eschyle répertoriées. Il y a décelé une dominante "toujours politique" qui "s’achève toujours sur la réconciliation de l’idéal et du réel". Cette constante est projetée dans un triptyque très contemporain où domine le social avec comme thème commun : "comment vivre dignement". Py y départage l’éthique, qui relève de la conduite individuelle, de la morale, fondée sur les interdits."La Prison" confronte un aumonier à un détenu. S’y affrontent le conditionnement social à l’aspiration d’indépendance, avec son lot de culpabilités réciproques. "L’Argent" met un banquier créateur d’une crypto-monnaie mettant en péril l’économie mondiale, face à un secrétaire outré par le cynisme de son patron. "Le Masque" voit un rebelle antisystème masqué dénoncer la prise de pouvoir de la finance sur le politique. Un lien de filiation entre les protagonistes constitue le fil rouge de ces trois parties, avec un chœur interprété par un personnage qui devient le rebelle du dernier acte.
Agôn, le combat
Olivier Py a travaillé un texte d’une extrême beauté poétique, tout en référence aux racines antiques. La tragédie habite chacun des actes, dans l’opposition conflictuelle entre deux individus qui en arrivent aux mains, la menace armée, jusqu’à la mort. Dali Benssalah, Nâzim Boudjenah de la Comédie-Française, et Joseph Fourez, scandent et parfois hurlent, un texte pur en lui donnant une présence étonnante. Le jeu est en même temps très physique, dans un dispositif scénique minimaliste où domine en fond de scène une fresque représentant un combat de rue. La proximité avec les spectateurs, leurs déplacements autour de la scène, la musique intense au piano, empruntée à Liszt, Ravel, Prokofiev, Ligeti, Rachmaninov… participent d’une tension constante.Mais si Olivier Py atteint une épure qui favorise le sens dans une langue et une interprétation inspirées, l’analyse peut paraître tranchée. Engagé, le texte dénonce la vérité des injustices sociales de plus en plus creusées, l’argent et le pouvoir rois. Il favorise à chaque étape un conflit frontal qui renvoie selon l’auteur à l’"agôn", le combat en grec, avec une couleur par trop manichéenne. Peut-être aurait-il fallu plus d’ambiguïté pour complexifier un état des lieux trop simplifié. Py réussit du moins avec son écriture implacable à distiller son humanisme absolu, dans un spectacle ambitieux et assumé.
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