Alévêque, fou et émouvant dans "Little Boy" au Théâtre du Balcon
Le 6 août 1945, Claude Eatherly, un jeune pilote américain, effectue le répérage dans l'avion météo au dessus d'Hiroshima. C'est lui qui donne le feu vert au largage de la bombe (surnommée Litlle Boy) qui fit 150 000 morts. Rongé par la culpabilité, le pilote sombre dans la dépression et la folie. Son cas intrigue Günther Anders, philosophe autrichien et ancien mari d'Anna Harendt. Les deux hommes correspondent alors pendant deux ans.
(L'extrait qui suit a été tourné lors de la générale le 4 juillet)
La pièce prend appui sur un fait historique précis qui permet de parler de la culpabilité, de la façon dont les hommes et les pouvoirs en place assument - ou n'assument pas - leurs actes. Mais Régis Vlakos a pris soin d'émailler son texte de références à notre époque, par le biais de vidéos (diffusées lors de faux entractes animés par la comédienne Charlotte Zotto, très drôle dans son rôle d'ouvreuse ingénue) et bien sûr par les propos. Il aborde ainsi la responsabilité que nous avons tous, aujourd'hui, face au nucléaire. Le rire derrière la tragédie
Hiroshima, nucléaire, culpabilité...les faits historiques et les propos sont graves, accablants. Trop ? Et bien non, car derrière la tragédie, le rire n'est jamais loin. Entre deux questions existentielles ou politiques, Régis Vlakos et Christophe Luthringer, le metteur en scène, ont su créer des "sas de décompression", des bulles de légèreté, de dérision. Le contraste rend le propos encore plus fort. En un peu plus d'une heure, "Little Boy" nous permet de nous questionner, de passer de la gravité au rire, sans oublier de beaux moments où la vidéo et la bande-son apportent à la pièce une vraie poésie, à l'image de ce moment où Christophe Alévêque lit une lettre rédigée par une jeune fille victime de la bombe. Des visages de femmes défilent sur son corps avec une voix off. Tout est dit du drame et de la façon dont l'ancien pilote est imprégné de cette tragédie.
Un beau rôle pour Christophe Alévêque
Christophe Alévêque trouve ici un très beau rôle, loin de l'image de trublion liée à sa carrière d'humoriste. Il sait la faire oublier pour incarner ce pilote qui se débat avec sa conscience et avec des questions profondement humaines. "J'ai toute de suite été en empathie avec lui" reconnaît le comédien. "Depuis toujours, je suis fasciné par les fous, ça fait des années que je les observe. A l'intérieur de leur tête, rien ne va et ils expriment ça par le corps".
Et comme pour son personnage, pour lui, l'écriture est un acte thérapeutique. Finalement, ce rôle de fou lucide sied parfaitement à Christophe Alévêque. Les questions que soulèvent son personnage rejoignent celles que l'auteur et humoriste veut susciter dans ses spectacles, avec une remise en question du pouvoir, quel qu'il soit.
Le théâtre lui offre ainsi une autre fenêtre d'expression et on se prend à regretter que ses talents de comédien ne soient pas davantage exploités. "La France est un pays de terroirs et de tiroirs. On m'a mis dans celui du poil à gratter " constate le comédien qui avec "Little Boy" va au delà du cynisme qu'on lui prête. "A la fin, la pièce montre surtout que les choses vont s'améliorer. Je suis plein d'espoir même si l'époque est à la résignation. On va y arriver...mais en se battant, pas en restant le cul sur une chaise !". En attendant, un conseil, allez poser votre séant au Théâtre du Balcon où "Little Boy" se joue sans interruption jusqu'à la fin du Festival Off. "Little Boy" de et avec Régis Vlachos, Christophe Alévêque, Charlotte Zotto - Mise en scène Christophe Luthringer - jusqu'au 27 juillet au Théâtre du Balcon, 3! rue Guillaume Puy à Avignon - Tous les jours à 20h40 - A partir de 12 ans - Tarif : 20 euros
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