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A Avignon, les Souffleurs d'Images murmurent à l'oreille des non-voyants

A Avignon, comme le reste de l'année dans les salles parisiennes et de la région PACA, les "Souffleurs d'Images" accompagnent des mal et non-voyants, et leur glissent à l'oreille des indications leur permettant de mieux comprendre et apprécier les spectacles. Une idée simple et magnifique. Nous avons suivi un duo lors d'une représentation.
Article rédigé par Pierre-Yves Grenu
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Maxime et Kevin durant le spectacle de Gérard Majax à Avignon
 (PYG/Culturebox)
18h30 Le Briefing avant le spectacle
 
Kevin Vial et Maxime Caillaud ne se connaissent pas et pourtant, ce soir, ils vont au spectacle ensemble. Rendez-vous à 18h30 sur une terrasse toute proche du Collège de la Salle, où se produit l'illusionniste Gérard Majax. Originaire de Toulouse, mordu de théâtre et d'informatique, Kevin a 24 ans, il est non-voyant depuis sa naissance. C'est la première fois qu'il va tenter l'expérience, d'habitude c'est sa mère qui l'aide à apprécier ce qu'il ne voit pas.
Maxime a besoin de connaître ses souhaits. "Par exemple, lui dit Kevin, si Majax sort un foulard, je voudrais que tu me dises aussi sa couleur… - Bien sûr, tu peux me considérer comme ton outil, ce soir – Houla, se marre Kevin, je préfère parler d'aide que d'outil !". La description sera neutre, purement factuelle. Maxime est largement rompu à l'exercice, mais ce soir, ça ne sera pas forcément simple. Décrire des numéros de magie, c'est du boulot !

19h00 Direction la salle de théâtre. 
 
Maxime guide Kevin jusqu'à l'entrée. "Ça me change de ma canne électronique… Elle vibre dès qu'elle détecte un obstacle jusqu'à dix mètres, tu imagines ici, à Avignon, ça n'arrête jamais".

19h10 L'installation, les derniers réglages
 
Dans la salle, les deux hommes s'empressent de prendre des places au premier rang, c'est le plus simple. Kevin prévient : "Si Majax me demande de monter sur scène avec lui, je n'hésite pas, j'y vais".
Maxime sensibilise les autres spectateurs au fait qu'ils entendront parfois quelques chuchotements. Une dame sourit… "Oh, vous savez, moi je vais faire la même chose avec ma petite fille qui ne va pas tout comprendre !".
 
Maxime aura la main posée sur celle de Kevin. Un contact physique pour se communiquer des informations plus basiques sur le déroulé de la soirée, la spatialisation du show.  

19h15 Le spectacle commence
 
La salle plonge dans le noir, une poursuite s'allume. Ancienne gloire de la télé des années 70-80, Gérard Majax arrive. Et on ne l'entend pas ! Il a oublié d'allumer l'émetteur de son micro-cravate. Ça fait rire Kevin.
Et c'est parti. "L'assistant lui amène un sac" dit Maxime tout bas." Majax fait monter des spectateurs sur scène. "Edouard tient l'un des bouts de la ficelle". "Majax essaie d'apprendre à Loïs de faire le nœud mais il n'y arrive pas". "L'assistant vient échanger les gobelets sur la tête du spectateur"… Pendant une bonne heure, Maxime multiplie les indications, Kevin apprécie.
 
Le magicien propose des tours modestes, classiques à un public plein de bienveillance. Kevin ne sera pas appelé sur scène.

20h30 Le salut à l'artiste
 
Fin du spectacle, le public fait la queue pour un selfie au côté de Gérard "vu à la télé" Majax. Kevin y tient, lui aussi. Majax l'avait repéré, évidemment, et le chambre gentiment. "Dites, c'est pas parce que vous êtes handicapé que je vais révéler mes trucs".
Débriefing entre Kevin et son "souffleur". "Ça m'a bien servi, dit le Toulousain. Sans toi, ça aurait été plus galère. Y'a juste un moment, avec les billets coupés en deux, je ne suis pas sûr d'avoir parfaitement compris…". Nous non plus.

La belle aventure des Souffleurs d'Images

Le projet est né au sein d'une compagnie, qui a notamment été la première à proposer du théâtre dans le noir, il y a 23 ans. Accueillant indifféremment des élèves handicapés et non handicapés, elle a mis au point un système d'accompagnement permettant à chacun de pouvoir apprécier toutes les nuances des spectacles.

Aujourd'hui, une structure spécifique (le Centre Recherche Théâtre Handicap) forme des "souffleurs" et propose leurs services gratuitement à Paris et en PACA. Elle espère se développer bientôt à Nantes et à Lyon. Maxime Caillaud, gestionnaire de ce dispositif, garde un souvenir ému de sa première. "C'était à la Comédie Française et j'accompagnais une ancienne costumière. Je penser lui donner des éléments sur la scène, le spectacle… Mais tout ce qui l'intéressait, c'était 'Comment elle est habillée ? Et lui, qu'est-ce qu'il porte'. Je lui décrivais et elle me disait, "Ah oui, ça s'est une robe de telle marque, un manteau de telle matière'. Et ce soir là, j'avais autant appris d'elle, qu'elle de moi. Et c'est toujours comme ça. Un échange."

Les Souffleurs d'Images
CRTH 163 rue de Charenton 75012 PARIS
01 42 74 17 87

information@crth.org 

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