Quelle est la recette pour devenir "la personne la plus drôle du monde" ?
Un "comedy club" américain organise, lundi 20 octobre, à Las Vegas, le concours de "la personne la plus drôle du monde". Le Français Mustapha El Atrassi est dans les starting-blocks. Mais est-il possible de faire rire tout le monde ?
Comment faire rire tout le monde ? Telle est la question à laquelle sont confrontés, lundi 20 octobre, à Las Vegas (Nevada), les participants au concours d'humour organisé par la Laugh Factory, un comedy club américain. A coups de vannes et de calembours, dix humoristes vont tenter de décrocher le titre de "la personne le plus drôle du monde" lors de ce dernier round à Las Vegas. Mustapha El Atrassi, ancien chroniqueur de France 2 et Europe 1, représente la France en finale.
La compétition a commencé il y a plusieurs mois, et se déroule en étapes. Pour se qualifier, les comiques ont mis en ligne des vidéos de stand-up (spectacle où le comique est seul sur scène, debout) pour les soumettre au vote des internautes. Il faut donc trouver la bonne recette pour plaire aux spectateurs du monde entier. Francetv info répertorie quelques conseils pour faire un carton partout sur la planète ou, au moins, pour éviter le bide international.
Stupidité, anxiété et chute travaillée : les bons ingrédients
Arme de séduction massive pour humoriste conquérant ou objet d'étude culturelle sur la mondialisation, la blague capable de faire rire la planète entière est recherchée par de nombreuses personnes. En 2002, le professeur de psychologie britannique Richard Wiseman part en quête du Graal grâce à son Laugh lab poll (le sondage du laboratoire du rire) : un site internet où chacun peut proposer sa boutade et voter pour celle qu'il trouve la plus hilarante. Au total, près de 40 000 blagues y sont proposées aux internautes.
Une est sortie du lot. La voici :
Deux chasseurs du New Jersey marchent dans les bois quand l'un d'entre eux s'écroule. Il ne bouge plus et ne semble plus respirer. Il a les yeux révulsés. Son ami appelle les urgences :
- "J'ai un ami qui est mort subitement, devant moi, qu'est-ce que je dois faire ?
- Calmez-vous, lui répond l'opérateur d'une voix rassurante. Nous allons vous aider. En premier lieu, vous devez nous assurer qu'il est bien mort".
Silence. Puis une détonation retentit. Le chasseur reprend le téléphone : "Ok, c'est bon. Et maintenant ?"
Êtes-vous mort de rire ? La plaisanterie a, en tout cas, fait glousser plus de 100 000 personnes, et a été élue "blague la plus drôle du monde". Elle date des années 1950 et est attribuée à Spike Milligan, un acteur irlandais, décédé quelques mois avant que sa blague gagne la précieuse récompense.
Pour le professeur Wiseman, interrogé par la BBC (en anglais), cette facétie contient chacun des trois éléments qui font un bon gag : l'anxiété, le sentiment de supériorité pour le spectateur, et une chute surprenante. "Elle joue sur le thème de la mort et nous fait nous sentir supérieur à ce chasseur idiot qui ne comprend rien."
Blagues sexistes ou racistes : à bannir
Que l'on se paye la tête d'une personne, d'une communauté, des hommes, des femmes ou des pingouins, il est essentiel de ne pas (trop) froisser son auditoire. Les codes qui régissent l'humour ne sont pas les mêmes partout sur la planète, et ce qui éclate votre bande de copains ne fera pas forcément rire ailleurs. "L'humour fait partie de la culture ambiante et exprime des identités nationales différentes", prévient l'ancien journaliste du Monde Alain Woodrow dans son livre Et ça vous fait rire !
En Australie, l'humour raciste et sexiste fait particulièrement vibrer les zygomatiques, explique Alain Woodrow. Il en donne un exemple avec cette blague, reprise sur le site du magazine Psychologies :
À l'heure du thé, deux Australiennes de la bonne société discutent de l'Organisation des Nations unies. "Réunir tous les peuples du monde est une idée tout simplement merveilleuse, déclare la première.
- Sans doute, ma chère, répond son amie. Mais, ne pensez-vous pas qu'ils laissent entrer trop d'étrangers ?"
L'humour noir, les blagues sexistes ou racistes font plus difficilement l'unanimité à l'international, parce qu'elles s'inscrivent davantage dans des réalités et des codes nationaux. Exemple avec le film Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ? Carton en France, il ne sortira ni au Royaume-Uni ni aux Etats-Unis, accusé de véhiculer des clichés racistes. Outre-Atlantique, le film Intouchables a lui aussi été jugé "choquant" pour les mêmes raisons. Le magazine américain Variety (en anglais) s'est indigné de voir le personnage joué par Omar Sy présenté comme un "singe de compagnie" dans le film.
Couples et jeux de mots : des thèmes universels
La frontière qui sépare une bonne blague du bide retentissant est parfois mince comme une feuille. Pour ne pas se rater, la bonne stratégie consiste à traiter de sujets universels, qui touchent tous les êtres humains. Pour essayer de trouver un moyen de faire rire tous les Européens, l'Union européenne de radio-télévision, qui rassemble des radiodiffuseurs nationaux, a réuni quelque 500 responsables de chaînes de télévisions publiques en 2009 à Lucerne (Suisse), raconte Le Figaro.
Après d'interminables débats, les producteurs se sont finalement mis d'accord : "La forme d'humour qui marche le mieux concerne les relations de couple", explique l'Italien Andrea Olcese, directeur de la maison de production Einstein Multimedia Group. Ce sont "des situations dans lesquelles tout le monde se reconnaît".
La mini-série Un gars, une fille en est un bon exemple. Créé au Québec, ce concept humoristique s'est exporté dans pas moins de 26 pays. En France bien sûr, mais aussi en Russie ou plus récemment à Abu Dhabi. Là-bas, le "loulou" local est bedonnant et porte un keffieh, rapporte le journal canadien La Presse.
Autre thème éternel : les calembours et autres contrepèteries. "La littérature ethnologique sur l'humour nous informe que les blagues fondées sur l'ambiguïté sémantique (les jeux de mots) se retrouvent dans toutes les cultures, mais particulièrement au sein de celles ayant développé un système d'écriture", explique Steven Légaré, anthropologue spécialiste de l'humour et professeur à l'Ecole nationale de l'humour du Québec. En somme, partout où il y a des mots, il y a des jeux de mots à faire. Il faut bien sûr parler la même langue que l'auditoire, pour jouer de ces subtilités de langage
Blague courte et chute ridicule : les indémodables
Comme le dit l'adage, les blagues les plus courtes sont les meilleures. Pour faire rire quelqu'un, il est essentiel de ne pas l'ennuyer. Pire encore, les blagues longues et complexes risquent de donner l'impression à l'interlocuteur qu'il n'est pas assez malin pour comprendre la boutade.
Comme les blagues courtes, l'humour physique (les glissades, les chutes) fait l'unanimité sur le globe. "Ingrédients des films burlesques, la peau de banane ou la tarte à la crème relèvent d’un régime humoristique le mieux partagé du monde, comme le révèle le succès planétaire des 'vidéo-gags' et de leur comique aussi inoffensif que recyclable", décrypte dans la revue L'Elephant, le professeur de lettres Franck Evrard. "C'est justement le fait qu’il soit non-verbal qui explique la popularité de ce genre de gag", commente de son côté Steven Légaré.
C'est avec ce genre d'humour que Charlie Chaplin est devenu l'exemple ultime du comique international, selon la directrice de l'Ecole nationale de l'humour, Louise Richer. "Il a traversé les frontières. Il a mis en relief et exposé les difficultés auxquelles est confronté l'homme dans un humour physique et avec sobriété", explique-t-elle à la radio montréalaise Cibl.
La quête de la blague ultime est longue et laborieuse, mais elle cache un potentiel explosif. La preuve avec ce sketch des Monty Python.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.