Le circassien Yoann Bourgeois poétique et angoissant à la Scala Paris
Phénix du théâtre parisien, La Scala renaît de ses cendres. Au 13 Boulevard de Strasbourg, dans le très populaire Xe arrondissement, entre deux pharmacies et aux côtés du Comédia et du Théâtre Antoine, les lettres d'argent scintillent pour la soirée inaugurale. "C'est très élégant" peut-on entendre à l'entrée. Amis, personnalités, figures du théâtre français, du beau monde s'est retrouvé pour célébrer cet évènement aux côtés de Mélanie et Frédéric Biessy, gestionnaires de fonds d'investissements, à l'initiative du projet.
Les mille et une vies de La Scala
Un défi titanesque pour une salle au destin mouvementé. Construit en 1873, le théâtre a connu nombre d'évolutions. Café-concert dans les années 30, il se métamorphose en cinéma Art déco. 1977, autre forme de cinéma, le porno s'installe à La Scala. La salle est ensuite à deux-doigts de devenir une église baptiste brésilienne. Le milieu culturel parisien se mobilise. La vente est annulée. Et puis, plus rien. Jusqu'en 2016. Date du rachat de l'établissement par le couple Biessy.La griffe de Richard Peduzzi
De ce passé, il ne reste plus rien. Tout le bâtiment a été repensé avec l'élégance et la sobriété de Richard Peduzzi. Le célèbre scénographe de Patrice Chéreau a imaginé le mobilier, l'architecture, la couleur de l'ensemble. Dès l'entrée, l'atmosphère est feutrée, la hall d'accueil est subtilement éclairé par de discrètes ampoules. Même élégance dans le restaurant situé au deuxième étage. Une musique instrumentale accompagne le spectateur dans le long couloir qui mène à la salle.Ici éclate le talent de Richard Peduzzi. Proche d'un bleu de minuit, la couleur donne une atmosphère intime. Pour cette première, le décor est du même ton. Un mariage voulu par Yoann Bourgeois. Le jeune acrobate-metteur en scène a imaginé une pièce spécialement pour le théâtre, justement intitulée "Scala".
Sur la scène, le décor minimaliste monochrome représente l'intérieur d'une maison. A droite, une table entourée de chaises. Une armoire, des cadres accrochés au mur, une porte. Sur la gauche, un lit, un fauteuil et une autre porte. Au milieu, un escalier s'élève dans le vide.
Chorégraphie aérienne signée Yoann Bourgeois
Très vite, ce décor prend vie. Les objets bougent, un cadre tombe sans raison, puis l'armoire. Dans une réaction en chaîne kafkaïenne, les chaises et la table se décomposent lorsque l'on s'assoie dessus, et se reforment aussitôt. Au milieu de ce décor possédé, un jeu de sosies se met en place. Chemise à carreaux, jean et basket blanche pour les hommes, short jaune et haut gris pour les femmes. Sept clones déambulent dans le décor. Sans un mot.Commence alors une chorégraphie sans fin. Les tableaux s'enchainent dans une étonnante fluidité. Tels des robots, les comédiens-danseurs reproduisent les mêmes gestes, comme s'ils remontaient le temps. On rembobine. On arrête. On accélère. Le temps se dilue.
Comme les éléments du décor, les corps se désarticulent dans une atmosphère poétique et parfois angoissante. Certains personnages sont happés dans le sol et disparaissent sous le décor. Puis ils réapparaissent comme par magie sur la scène. Des mains sortent du plancher, rapidement chassées par des coups de balais.
Signature de Yoann Bourgeois : deux trampolines disposés de chaque côté de l'escalier offrent des passages aériens d'une grande poésie. Le tout accompagné par l'envoûtante musique du groupe britannique Radiohead. Au jeu des sosies, malgré quelques longueurs, la chorégraphie reste captivante et la performance physique des danseurs remarquable. Avec "Scala", l'artiste circassien de 37 ans utilise tout le potentiel de la salle. Pièce inaugurale et aérienne d'un théâtre prêt à prendre de nouveau son envol.
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