Viktoria Modesta, star amputée du Crazy Horse : "J'ai dû créer ma nouvelle identité"
Née avec une malformation en URSS et devenue performeuse star après une amputation libératrice, Viktoria Modesta raconte l'histoire de sa transformation et son entrée au Crazy Horse.
Regard intense, habits et cheveux noirs en chignon, longs ongles couleur métal, la performeuse britannique de 31 ans, Viktoria Modesta, s'apprête à danser avec des prothèses au cabaret parisien Crazy Horse dans "Bionic Showgirl" du 3 au 16 juin 2019. Née avec une malformation en URSS et devenue performeuse star après cette amputation libératrice, l'histoire de cette danseuse permet un nouveau regard sur la féminitié.
Une enfance difficile et une femme nouvelle
"On me détruisait en tant qu'être humain et j'ai dû créer ma nouvelle identité." Grâce à la création de prothèses, Viktoria Modesta bouscule sa vie de femme et sa vie d'artiste. Avec une nouvelle prothèse pour chaque tableau, entourée de danseuses habillées seulement de jeux de lumière, elle se produira du 3 au 16 juin au Crazy Horse, un cabaret qui a déjà accueilli par le passé des artistes au profils atypiques comme Dita Von Teese, Pamela Anderson ou Conchita Wurst. "Je suis l’architecte de mon corps. J’ai comme réinventé mon corps, j’essaye de lui trouver de nouvelles fonctions."
Née en Lettonie, alors république soviétique, avec une malformation de la hanche et d'une jambe, Viktoria Modesta fait à 20 ans le choix d'une amputation "pour des raisons médicales et psychologiques". De cette façon, elle reprend le contrôle sur son corps et coupe les ponts avec un passé douloureux. "La société faisait tout pour me détruire en tant qu'être humain. Quand je suis née, on n'a pas laissé ma mère me voir pendant cinq jours, en l'incitant à m'envoyer dans un orphelinat. Elle m'a sauvée", raconte-t-elle. "J'ai grandi dans un environnement extrême, avec une mentalité brutale qui considérait ceux qui n'étaient pas biologiquement 'corrects' comme des citoyens de seconde zone. Je me sentais tellement exclue que je devais créer ma nouvelle identité", poursuit l'artiste.
Une femme combative et un modèle artistique
Viktoria Modesta a donc voulu se réapproprier son corps après l'amputation. Des ses prothèses, elle en fait un élément artistique, s'inspirant des performances avant-gardistes du créateur de mode britannique Alexander McQueen et de l'artiste américain Matthew Barney. En 2012, lors de la clôture des Jeux paralympiques de Londres, elle réalise une performance avec une prothèse faite entièrement de diamants, devant 90.000 personnes. "Je me suis alors dit que le fait d'avoir été amputée ne me rendait pas différente, il y a des millions de personnes dans cette situation. C'est ma vision du monde qui fait la différence".
Toutes ces épreuves semblent être maintenant derrière elle. Baptisée Modesta par son arrière grande-mère catholique polonaise, elle admet garder une part de cette culture soviétique, qu'elle juge faite à la fois endurante et de combative.
Aujourd'hui, l'expérience du Crazy Horse marque un tournant dans sa carrière, une sorte de "voyage très personnel", dans lequel elle veut trouver "un bel équilibre entre la force et la vulnérabilité".
"Je voudrais faire passer le message que la femme moderne est quelqu'un qui choisit ce qu'elle veut être, sans aucune limite. Tendre ou dure? Il faut créer son propre cocktail. Je vais explorer plusieurs facettes de moi dans ce spectacle", souligne Viktoria Modesta. Elle qui peut s'inscrire comme un modèle féminin, de par sa hargne et son talent.
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