"The seasons' canon" : la chorégraphe canadienne Crystal Pite triomphe à l'Opéra de Paris
Quand le rideau s’ouvre, les danseurs sont déjà sur scène. Enchevêtrés. Ils forment comme un seul corps mouvant. Une énorme cellule qui respire, se divise, explose parfois dans tous les sens puis se reforme. Passant constamment de l’ordre au désordre, les 54 danseurs se figent parfois et le plateau du Palais Garnier se transforme alors en tableaux, à la manière d'un Géricault.
Reportage Valérie Gaget, Jean-Marie Lequertier, Marine Cargnino, Delphine Chevalier
Un joyau taillé sur mesure
"On dirait vraiment qu’elle a passé deux mois et demi à l’Opéra tant la pièce est puissante et aboutie", commente aujourd'hui Aurélie Dupont qui a succédé à Benjamin Millipied à la tête du ballet et le programme cette saison. En réalité, Crystal Pite n’est restée qu’un mois dans la capitale travaillant au quotidien avec une soixantaine de danseurs soit plus du tiers de l’effectif du corps de ballet. "Ce qui me plaît, c’est la façon dont elle aborde le groupe. Elle a une vision de l’ensemble des danseurs. Elle a cette ambition incroyable de présenter ce qui fait la force de cette compagnie, le groupe" ajoute Aurélie Dupont. "Elle est arrivée avec du matériel et des idées" nous raconte Alessio Carbone, premier danseur. Mais elle a aussi observé chacun d’entre nous et fait évoluer la chorégraphie en fonction de nous".Un mille pattes humain
Certains critiques ont vu dans ce ballet l'image d'une humanité luttant pour sa survie dans un monde post-apocalyptique. "Oui, approuve Alessio Carbone, on peut effectivement le penser. Pour moi, ce qui est certain, c’est que ce ballet évoque une renaissance. On va vers la vie, vers l’espoir". Lors des répétitions en 2016, Crystal Pite avait expliqué à nos confrères du Monde que sa pièce s’inspirait des déplacements des plaques tectoniques. Il est vrai que le ballet a quelque chose de tellurique, comme une force qui part du sol, une vibration qui se transmet de corps en corps. On pense au Sacre du Printemps de Maurice Béjart ou à celui de Pina Bausch. Un fourmillement d’humanité. Le travail des bras, parfois haché et mécanique, paraît simple. Il faut pourtant une précision de gestes et une parfaite coordination des mouvements pour que 54 danseurs soient à ce point à l’unisson. "Les danseurs sont très à l'écoute. Il y a un ricochet des corps qui dégage une force incroyable" explique Aurélie Dupont. L’une des plus beaux moments du spectacle est cette ligne parfaite où les danseurs forment comme un mille-pattes humain.L'art de Crystal
Autre moment magique : cet escalier vers le ciel que dessinent les dos des danseurs. Lors de sa création, il y a deux ans, le public s'est levé, applaudissant à tout rompre pendant de longues minutes. "Moi, je suis un ancien, bientôt retraité, sourit Alessio Carbonne et pourtant je n’avais jamais vu ça. Le public était debout non seulement à la générale et à la première mais tous les soirs".Le retour de ce ballet dans le cadre d’une soirée entièrement consacrée aux groupes et à la danse contemporaine promet d’être tout aussi triomphal. Jeudi dernier, après le final sous la neige, d’une infinie poésie, le public était encore debout.
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