"Seasons" et "Gnawa", deux pièces d'exception par la São Paulo Dance Company, envoûtent la maison de la danse de Lyon
La Maison de la danse invite pour la première fois la jeune et remarquable compagnie de danse brésilienne São Paulo Dance Company. Dirigée depuis sa création en 2008 par Inés Bogéa, la compagnie privilégie un répertoire diversifié qui allie virtuosité et polyvalence des danseurs et des plus grands chorégraphes.
Proposé pour une séance unique en France, le programme de la Maison de la danse de Lyon dévoile "The Seasons" d’Édouard Lock, un ballet sur pointes vertigineux et acéré ainsi que "Gnawa" de Nacho Duato qui réussit à mettre en transe, à l'unisson, danseurs et spectateurs.
Ombre et lumière au coeur des "Seasons"
Un cercle de lumière franche éclaire le centre du plateau, un danseur tourne sur lui-même, depuis de longues heures si l'on en croit les gouttes de sueur qui perlent sur son torse. L'ouverture magistrale de "Seasons" donne le ton des cinquante minutes à suivre.Douze interprètes d'une virtuosité sans faille se succèdent dans ces faisceaux où la lumière sublime la peau et les muscles saillants.
Alternant extrême rapidité et lenteur soutenue, les danseurs "captent" les flashs photographiques avec une agilité surprenante. Les bras, les jambes, les pieds, les mains, les tête et les torses se mélangent et s'enlacent dans ce jeu de lumière synchronisé très pointu.
Edouard Lock : la danse classique au service de la modernité
La partition extrêmement millimétrée et rythmée du chorégraphe canadien impose aux danseurs une efficacité du geste, relayée par l'énergie collective du groupe. Si le vocabulaire d'Edouard Lock reste résolument classique (pointes et arabesques), le chorégraphe intègre aussi les formes contemporaines héritées de la danse moderne.L'interprétation est incroyablement rapide, l'énergie hyper tendue, avec des mouvements quasi robotiques.
La déconstrution des quatre saisons de Vivaldi
Créée en 2014, "The Seasons" revisite librement les Quatre Saisons de Vivaldi en complicité avec le compositeur Gavin Bryars. Soutenu par la partition d'origine, Edouard Lock réinvente sa propre symphonie de lumière où les corps s'expriment au fil des saisons. Le ballet sur pointes pour douze danseurs se déploie en douze tableaux, comme les douze mois de l'année où la nature évolue. Le printemps voit naître des oiseaux et les danseurs s'envoler, l'hiver habille les hommes d'une veste noire, l'été les insectes s'activent et les danseurs effectuent des myriades de mouvements comme des petites fourmis, l'automne embarque le groupe dans un tourbillon. Avec ce jeu d'ombres et de lumière frénétique, "Seasons" immerge le spectateur dans une stimulation particulière qui exige une concentration pour s'habituer à la multitude de gestes et de tableaux.
"Gnawa" : la transe entre dans la danse
Avec "Gnawa", Nacho Duato propose un univers plus apaisant et chaleureux. Au rythme de la musique Gnawa, les quatorze danseurs font corps et se lancent dans une transe quasi hypnotique. On salue d'autant leur niveau d'endurance que douze d'entre eux étaient déjà sur la scène dans "Seasons".Sur des rythmes et sonorités entêtantes, les danseurs déploient une énergie charnelle de groupe, soutenue par la musique ensorcelante du luth-tambour à 3 cordes, des guembri et des mélodies espagnoles.
La thérapie par la danse
L’Espagnol Nacho Duato, réputé pour sa danse fluide et son intérêt pour les grandes questions existentielles, s'empare de cette tradition méditerranéenne religieuse à visée thérapeutique. Les Gnawas sont une fraternité musulmane dont les pratiques thérapeutiques seraient l'héritage de cultes mystiques Subsahariens installés au Maghreb. L'ensemble des six femmes vêtues de longues robes sombres rappellent à cet égard l'énergie des derviches tourneurs.
Le ballet contemporain créé en 2005 par Nacho Duato, puise dans cette tradition Gnawa et utilise les quatre éléments de base - l'eau, la terre, le feu et l'air, illustrant la relation avec les forces supérieures de l’univers. La danse se propage d'un danseur à l'autre comme une flamme et gagne rapidement le public.
Avec le rite de la lumière, il invente une danse épurée, sensuelle et harmonieuse qui se déploie dans une atmosphère spirituelle et méditative.
La São Paulo Dance Company résume à elle seule la force et la sensualité du Brésil et transmet à merveille cette fulgurance. Au terme de la première, tout le public de la maison de la danse était debout pour ovationner la performance des danseurs brésiliens.
Ce programme sera présenté ensuite en Suisse, à Ottawa, Montréal et à New York
SÃO PAULO COMPANHIA DE DANÇA
Depuis sa création en 2008 par le gouvernement de l’État de São Paulo, la SPCD est dirigée de main de maître par la danseuse, auteure et réalisatrice Inês Bogéa. En moins d’une décennie, elle a produit près de 40 œuvres, dont 20 créations originales, et s’est illustrée sur les scènes de 60 villes dans 8 pays d’Amérique du Sud, d’Asie et d’Europe. La diversité de son répertoire, alliée à la virtuosité et à la polyvalence de ses danseurs, a contribué à son succès fulgurant
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