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Les adieux à Paris de Sylvie Guillem racontés par l'étoile Agnès Letestu

Avec "Life in Progress", sa tournée d'adieux qui passe par Paris et s'achèvera à Tokyo le 31 décembre, la grande Sylvie Guillem, 50 ans, nous dessine un émouvant autoportrait en traversant l'univers de chorégraphes qui ont particulièrement comptés pour elle : deux créations dues à Akram Khan (technê) et Russel Maliphant (Here & After) et deux reprises de Mats Ek (Bye) et William Forsythe (Duo2015)
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Sylvie Guillem danse "technê" d'Akram Khan
 (Bill Cooper)

Forsythe dont elle a avoué qu'elle ne pouvait plus le danser, mais qui a tant compté pour elle, et à qui elle rend hommage au travers d'un duo d'hommes (les excellents Brigel Gjoka et Riley Watts). La création de Russell Maliphant se fait aussi à deux : Guillem danse pour la première fois avec une femme, Emmanuela Montanari, de la Scala de Milan. Un beau duo, mais qui n'est rien à côté des deux bijoux de la soirée.

Dans "technê", la nouvelle création d'Akram Khan, Guillem apparait chevelure de jaie et bras interminables, prenant possession de la scène comme un félin prêt à l'envol. Sur la scène une simple forme grillagée figure un arbre. En fond de scène trois musiciens. La danseuse fait son miel de la tradition Kathak indienne du chorégraphe anglo-bengladais, terrienne autant qu'aérienne. Un moment suspendu entre danse et mysticisme.

Symbiose parfaite encore pour "Bye", la pièce que Mats Ek lui a écrite en 2011 et qui dit mieux que des mots tout le parcours de Sylvie Guillem. Comme Alice, la fillette filmée en vidéo traverse le miroir, mène sa vie, bravache et libre, avant de nous quitter et de se fondre dans la foule.  

Sylvie Guillem danse "Bye" de Mats Ek
 (Bill Cooper)

Le tout Paris bruissait ce jeudi soir au théâtre des Champs Elysées, et bien sûr de nombreux danseurs, parmi les plus grands étaient au rendez-vous. L'étoile Agnès Letestu qui a pris sa retraite de l'Opéra de Paris il y a deux ans (à l'âge réglementaire de 42 ans), a bien voulu nous commenter cette soirée unique, qui s'est terminée par une standing ovation. 
  (Alastair Muir/SIPA)

Culturebox : Que vous évoque la carrière de Sylvie Guillem et ces adieux ce soir au public parisien ?

Agnès Letestu : C'est la carrière exemplaire, c'est l'évolution permanente, pour moi elle se renouvelle à chaque fois. Je l'ai vu ce soir encore sous un autre jour. Dans une forme incroyable elle fait des choses dans lesquelles je ne l'avais jamais vue. Dans le premier ballet, "technê", une création, elle est comme un insecte, comme une araignée maléfique, elle est humaine et pas humaine à la fois. C'est un spectre, elle est là mais elle est d'un autre temps. Elle m'étonne. Ce renouvellement permanent, la voir sous un autre visage, c'est incroyable.
L'étoile Agnès Letestu
 (Thomas Samson/AFP)
En la voyant, est ce que l'on se dit que l'on s'arrête trop tôt de danser à l'Opéra de Paris ?

Il y a une règle à l'Opéra de Paris, qui est en fait une rupture de contrat, systématiquement on met les gens à la retraite à 42 ans. Après, libre à chacun de continuer à danser le répertoire qu'il veut. Je ne pense pas que l'on puisse dire maintenant qu'il y a un âge où l'on doit s'arrêter, c'est comme les actrices qui adaptent leur rôle par rapport à ce qu'elles ont envie de faire.

Sylvie est dans une forme incroyable. Il y a tout un type de répertoire qu'elle n'a plus envie de faire, je ne pense pas qu'elle ne puisse plus le faire, les envies changent, elle est toujours performante. Je suis impressionnée par son évolution. Et bien oui "Life in progress" ! Elle est en constant mouvement, elle a l'air d'être en paix, en phase avec elle même.

C'est un parcours atypique ?

Oui, depuis le début elle est différente des autres. Elle a commencé gymnaste, puis elle est entrée à l'opéra avec un parcours très rapide, nommée étoile très jeune (par Noureev à l'âge de 19 ans). Elle a travaillé avec tous les grands chorégraphes. Il faudrait qu'elle dise le nombre de créations qu'elle a faites, c'est vraiment faramineux. Et puis des créations qui restent…

Je l'ai vu magnifique dans des grands classiques, dans des "Lac des cygnes", dans des "Cendrillon", où elle était magique. Elle fait toujours de n'importe quel mouvement, de n'importe quel costume, de n'importe quelle entrée en scène, quelque chose de beau. Tout est transformé en beauté.

Elle a réussi à tout balayer. Je l'ai vu dans des galas au Japon, faire des choses plus contemporaines, plus expérimentales comme du tai-chi. Elle a voulu sa liberté, elle a créé son menu à chaque fois, c'est assez unique.

Et vous, où en êtes vous de votre "parcours unique" ?

Je reviens de Chine, de Shanghai, où j'ai dansé et j'ai fait une production de costumes. A la fin du mois de septembre, j'ai un spectacle au Casino de Paris où je danse la "Dame aux camélias" et "Cendrillon". Parallèlement je fais répéter "La Bayadère", je coach les danseurs de l'Opéra. Et puis j'ai un autre projet de costumes pour la Chine l'année prochaine et je continue à m'entrainer (elle suit la classe le matin à l'Opéra Garnier). Je suis encore plus occupée qu'avant !   

  (DR)
"Life in progress" de Sylvie Guillem au Théâtre des Champs-Elysées
17, 18, 19 septembre 2015 à 20H
Dimanche 20 septembre à 17H

"Life in progress" est le premier spectacle de la saison TranscenDanses. Suivront "Mirror and Music" du japonais Saburo Teshigawara, les adieux de Mats Ek en janvier, et la création de Nicolas Le Riche en mars.






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