Le chorégraphe Pierre Rigal entre au pas de course au répertoire de l’Opéra
Ascenseur, long couloir et volée d’escalier, sous le dôme de l’Opéra Garnier, dans le grand studio Marius Petipa gagné sur les combles du temps de la direction Noureev, le chorégraphe Pierre Rigal retrouve ses 12 danseurs du corps de ballet.
Il y a là, les coryphées, les sujets, une première danseuse et deux étoiles choisis parmi les plus athlétiques de la troupe, Benjamin Pech et Jérémie Bélingard (qui arrive très en retard !). Au programme du jour, répétition de la deuxième partie du spectacle. La première image en est un cataclysme.
"Parfois j’ai l’air tendu, agacé, ne vous inquiétez pas", lance le chorégraphe aux danseurs. "Il y a des choses qui fonctionnent, les têtes, les bras, mais dansez la suite à vitesse réelle", indique un Pierre Rigal concentré, la générale est dans une semaine.
Il est question de corps qui se retrouvent au sol après avoir traversé un grand péril. "Un peu dommage le retard, on revient en arrière", lance Rigal. "Suivez la lave et commencez la métamorphose".
"Nous avons en tout 5 semaines de répétition. Ce n'est pas beaucoup, beaucoup", nous confie-t-il, "parce que c’est une rencontre. Ils ne me connaissaient pas, je ne suis pas dans les codes de l'Opéra, je ne viens pas du sérail, je n'ai pas leurs habitudes de travail très fractionnées dans le temps. Il faut qu'on s'apprivoise des deux côtés".
Costumes par dessus tête, lambeaux de tutus, c’est tout le talent de Rigal de donner à voir littéralement les corps muter. Rigal à le sens du récit. Il s’appuie d’abord sur une thématique, cette fois le " Salut" et ses multiples significations. "Il ne faut pas que tout le monde soit debout, il faut une variation, surveillez vous".
"Il faut que tu donnes des tops", propose un danseur. "On s’attends tous", constate Marine Ganio. "Ils peuvent se reposer sur la musique", propose alors Joan Cambon, le compositeur qui signe la partition originale, "voilà le changement musicale qui accompagne l’éclat de lave".
"Quand est-ce qu’on démarre la marche en triangle ?", demande l’un des danseurs. "Ce n’est pas sa méthode de travail de donner des tops", intervient Fabrice Bourgeois, répétiteur de l’Opéra, qui assiste discrètement en retrait à la répétition, "il préfère chercher, ne pas fixer", explique-t-il avec diplomatie.
"Ma méthode de travail est un peu stressante, les danseurs sont un peu perdus. Ils n'ont pas de point d'accroche, il y a un peu une angoisse, un stress dans le déroulé, mais j'aime bien le résultat que ça donne", avoue Rigal. "Je considère que le temps des choses doit s'éprouver un peu. Je ne donne pas de tops, pour ne pas fixer les danseurs de manière arbitraire. Comme il faut aller vite, il faut fixer un peu plus, mais ce ne sera peut être pas le bon temps, on verra !".
Par petits groupes, les corps des danseurs s’enchevêtrent. Les rires fusent, Pierre Rigal teste et montre patiemment les postures.
18h30, l’attention s‘émousse, ça papote au fond de la salle. Rigal accélère alors le tempo de la répétition. Cette fois c’est une colonne de créatures rescapées, qui s’avance en rang serré face au miroir. "Là soyez naturel, pas d’attitude 'entre guillemets' danseur", indique Rigal , imitant avec humour un danseur qui en rajoute.
Alors que la colonne se met à osciller à travers la salle, Rigal se lance dans une course folle, impulsant son rythme et son énergie au groupe, comme le ferait un chien de berger ! On est saisi par sa force vive, déliée, une seconde nature chez Pierre Rigal, ancien champion d’athlétisme converti à la danse à 23 ans.
"Il y a à la fois de la crainte, à la fois de l'excitation, du plaisir, un intérêt artistique", nous dit Rigal encore essoufflé. "Il faut que j'arrive dans les derniers moments qui me restent, à emmener les danseurs dans mon univers, dans mon énergie. C'est ce que j'essaye de faire en ce moment".
L'interview de Pierre Rigal
Nicolas Paul/Pierre Rigal (création)/Edouard Lock/Benjamin Millepied (création) à l'Opéra Garnier
Du 3 au 20 février 2015
Réservation : 08 92 89 90 90
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