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Gala Noureev à l'Opéra Garnier : l'interview de Brigitte Lefèvre

Il y a vingt ans, le 6 janvier 1993, Rudolf Noureev disparaissait, victime du SIDA. Ce mercredi 6 mars 2013, l'Opéra Garnier rend hommage au danseur. en présentant plusieurs extraits de ses chorégraphies. Brigitte Lefèvre, directrice de la danse de l'Opéra, nous raconte les préparatifs de ce Gala, évoque l'immense artiste Noureev et nous parle de celui qui lui succédera, Benjamin Millepied.
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le Gala Rudolf Noureev
 (Francette Levieux)
Autant vous le dire tout de suite, nous n’irons pas au Gala Noureev. Complet depuis des semaines. En écoutant Brigitte Lefèvre nous parler de la soirée, c’est déjà y être un peu. On imagine quels seront les moments d’émotion vraie, pure, comme la danse de Rudolf Noureev. Noureev a consacré sa vie à son art, renonçant à sa patrie, à sa famille. A sa mort son corps a été ramené à l’Opéra, nous n’y étions pas et pourtant nous avons encore ces images poignantes au fond des yeux. Le cercueil de l’apatride passant silencieusement au milieu de sa famille de danse, en rangs serrés. Pour évoquer la soirée, Brigitte Lefèvre balaie le terme de gala, lui préférant celui de cérémonie. Nous nous y associons, en pensée.
 
Sophie Jouve : De quelle façon s’est préparée cette soirée de gala en hommage à Noureev ?
 

Brigitte Lefèvre : A l’Opéra de Paris, depuis presque 20 ans, j’ai vraiment fait en sorte que les œuvres, les ballets revisités par Rudolf Noureev des grands titres des ballets académiques soient présents. Rudolf Noureev a été une des personnalités les plus charismatiques de la moitié du 20e siècle, c’est important pour les danseurs qui l’ont connu de pouvoir transmettre et pour le public de continuer à voir ces ballets qu’il a composés de manière classique bien sûr, mais avec une certaine modernité aussi, je pense à l’accompagnement de pas de deux, aux rôles de garçon, plus mis en valeur.
 
Célébrer l ‘anniversaire de sa mort me paraissait au départ un peu curieux puisque que nous célébrons sa vie, sa danse, année après année. Et puis finalement j’ai pensé que c’était important de le faire mais plutôt dans le mois de sa naissance qui est le 18 mars. C’est une histoire de danse, de la danse qu’il a apportée à l’opéra de Paris. C’est aussi pour que les danseurs étoiles actuels puissent interpréter ces ballets dansés au départ par leurs ainés. Une façon de le célébrer.
 
Dans cette soirée exceptionnelle, nous allons présenter des extraits de ballets. Ce sera presque austère, il n’y aura que de la danse, pratiquement pas de décors. Ce n’est pas un gala, c’est une cérémonie. Une cérémonie de danse.
 
Hier nous avons fait une répétition générale pour la première fois, c’est très difficile pour les artistes de se retrouver dans ces extraits, en dehors de la continuité du ballet, sans que ce soit une surenchère de virtuosité. Et ça ce n’est pas l’objectif.
Brigitte Lefèvre (2012)
Son nom est associé à une grande technicité ?    
Il y a une filiation. D’abord il y a eu Marius Petitpas. Ce sont tous les maîtres de ballets russes, puis français qui ont enrichi ce repertoire. Noureev a lui- même enrichi ces ballets, dans différents endroits du monde, puis il les a réuni pour l’opéra de Paris. Il a associé sa propre  curiosité à un socle de danse, dite académique.
 
Noureev était une "Superstar"   
La personnalité de Rudolf était exceptionnelle. La vie de Noureev est un roman. Ce surdoué à la beauté sauvage et magnifique, qui choisit la liberté, qui affirme son caractère… après ce qu’il avait vécu, rien ne lui faisait peur. Ce culot phénoménal, cette curiosité, cet appétit, cette maladie qui lui a donné le désir de transmettre très vite. C’est vraiment un destin exceptionnel. Mais superstar non, c’est presque navrant, c’est bien au- delà.
Rudolf Noureev , "Superstar"
 (Jacques Moatti)
 
Quel est le déroulé de la soirée ?    
-Une Ouverture avec la Polonaise du Lac des Cygnes qui permettra d’avoir un déroulement de photos de Rudolf à l’Opéra de Paris. On le verra avec des artistes du ballet, lui- même en train de danser, de transmettre.   
-Casse Noisette, la danse des enfants
-Le pas de deux de Casse Noisette avec Myriam Braham et Christophe Duquenne (Premier danseur)
-L’Adage à la Rose de la Belle au Bois Dormant avec Aurélie Dupont
-Cendrillon, le pas du tabouret avec Marie- Agnès Gilllot et Florian Magnenet (Premier danseur)
-Le fandango de Don Quichotte, une danse de caractère
-Le pas de deux de Don Quichotte
-Le solo de l’acte 3 de Raymonda par Isabelle Ciaravola   
-Le lac des cygnes avec Emilie Cosette et Hervé Moreau, puis le Cygne Noir, interprété par Dorothéé Gilbert, Mathieu Ganio et Benjamin Pech.
-Roméo et Juliette par Nicolas Le Riche et Laetitia Pujol
-Un extrait d’un des rares ballets que Rudolf a fait lui même, « Manfred » sur une musique de Tchaïkovski et ce sera le retour de notre danseur étoile Mathias Heymann (blessé depuis novembre 2011, Mathias Heymann a aujourd'hui une tige dans le tibia, du genou aux malléoles. A force de travail il revient)). Un solo très court, très complexe.
-Des extraits du 3e acte de la Bayadère avec Agnès Letestu, Stéphane Bullion et la descentes des ombres. Cela évoquera Noureev, avec nostalgie et je l'espère sans tristesse.
 
C’est une soirée qui n’est pas seulement faite pour séduire mais pour célébrer.
 
Benjamin Millepied se prépare à prendre votre suite, en 2014, en tant que directeur de la danse de l’Opéra de Paris. Comment se passe la transition ?   
C’est un immense pari que tente Lissner, c’est tout à son honneur et à celui de Benjamin Millepied de l’accepter.
 
On n’a pas eu le temps de se voir depuis que cette nomination a été annoncée. J’ai la fierté de l’avoir mis en scène pour la première fois à l’Opéra de Paris en 2008. Il a une carrière fulgurante.
 
Je reconnais beaucoup de qualités à Benjamin, pour preuve je lui ai demandé pour la saison 2014/2015 de chorégraphier Daphnis et Chloé sur une musique de Ravel. J’ai souhaité que ce soit Daniel Buren qui en soit le scénographe. Ils sont en train de travailler, on vient de se saluer.
 
C’est quelqu’un dont j’apprécie l’œil, le regard artistique, la curiosité, mais c’est un grand pari. Après 20 ans d’une direction, il fallait peut- être ça, retenter un pari. Cela a été un pari quand on m’a nommé, c’est un pari de le nommer.
 
Nous sommes des rebelles disciplinés. Je suis disciplinée face à cette nomination qui a été décidée par Lisner en accord avec Nicolas Joel. Je souhaitais partir, je devais partir, nous ne sommes qu’un maillon de la chaîne. 
 
Qui était votre candidat ?
Laurent Hilaire, mais c’est fait. Il y avait aussi Manuel Legris qui pouvait le faire. Mais en même temps, Benjamin, c’est un ami professionnel. Mais j’ai encore 18 mois de boulot, je veux que chaque minute soit la plus fertile possible.
 
Vous avez des projets pour l’après ?
Pas encore, j’ai des pistes comme on dit ! Je suis quelqu’un qui vit dans le présent, tout en me projetant dans l’avenir. J’ai programmé la saison 2014/2015 et il faut que je m’arrête pour ne pas faire 2016, emportée par mon élan !
 
 



 

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