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"Outwitting the Devil" au Théâtre de la Ville, la danse barbare et subjuguante d’Akram Khan

"Outwitting the Devil", chorégraphie de l’anglo-pakistanais Akram Khan, était donnée cet été dans la Cour d’honneur d’Avignon. Le spectacle est à l'affiche du Théâtre de la Ville jusqu'au 20 septembre. Une splendeur.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
"Outwitting the Devil", de Akram Khan au festival d'Avignon 2019. (© Christophe Raynaud de Lage)

Pourquoi garder en anglais le titre de la dernière création du chorégraphe anglo-pakistanais Akram Khan, Outwitting the Devil que personne ne comprend ici à Avignon, alors qu’il sonne si bien en français, "Déjouer le Diable" ? D’autant plus dans la cité des Papes. Détail. Mais le diable n’est-il pas dans les détails ? Toujours est-il que cette création est une merveille, à laquelle la cour d’honneur a offert toute l’ampleur escomptée. Avec toutefois un accueil public qui n’était pas à la hauteur de l’œuvre.

Déjouer le Diable

Sur cette scène mythique de la Cour d’honneur, toute en horizontalité, se dessine un jardin abstrait, dont les arbres auraient été décimés. Un homme parcourt ce qui serait un Eden meurtri, jusqu’à ce qu’une femme d’orange parée le rejoigne entourée de danseurs. Sa couleur l’identifie au Diable du titre, et ses accompagnateurs à des démons. Une lutte s’engage. Elle ne prendra fin qu’au terme d’un spectacle aux nombreuses relances, aux réminiscences barbares, où se joue le combat entre la nature et la civilisation, sous-entendue industrielle.

Akram Khan, chorégraphe, a composé ce spectacle en s’inspirant de tablettes récemment découvertes qui complétent l’épopée de Gilgamesh, la première œuvre épique qui remonte à 2 850 avant J. C. Il s’avère qu’elles constituent le premier récit se référant à une destruction environnementale massive. Elles font étrangement écho avec notre époque contemporaine. C’est ce qu’a mis en forme Akram Khan dans sa lutte chorégraphiée Outwitting the Devil, que nous préférons francisée dans sa traduction "Déjouer le Diable". Gilgamesh, donc, roi d’Oruk, lutte contre les démons qui tentent de s’approprier le jardin. Il les convainc, puis il les perd, jusqu’à un ultime assaut qui se conclut sur un statu quo.

Barbare

La beauté des corps chorégraphiés anime une danse tellurique qui semble remonter au-delà des temps, au-delà de l’Antique. Barbare qualifie au mieux "Déjouer le Diable" (Outwitting the Devil). Les éclairages dessinent la musculature des danseurs tel le ferait le pinceau d’un Frank Frazetta pour illustrer un roman de Conan de Robert E. Howard. Une référence qui ne dira rien aux spectateurs du In, mais bien réelle sur scène tellement ils sont à la rencontre d’un Michel-Ange et d’un Delacroix (ce qui parlera plus aux spectateurs du In).

"Outwitting the Devil", chorégraphie de l’anglo-pakistanais Akram Khan, (© Christophe Raynaud de Lage)

La musique électronique originale de Vincenzo Lamagna résonne de mille feux dans la cour d’honneur. Ses graves intenses, plages diffuses et rythmes convulsifs, font pulser un sabbat immémorial. Les corps se plient à cette musique contemporaine en même temps archaïque. Une alchimie au service d’une histoire et d’une dramaturgie sensible, compréhensible au-delà des mots. Dommage que le spectacle soit ponctué de commentaires off explicatifs, totalement inutiles, tant l'oeuvre parle d'elle-même. Magnifique, cette pièce de Akram Khan en a certainement pâti. Respectueusement accueillie lors de cette première, les applaudissements étaient en deçà de ce qu’elle mérite.

Outwitting the Devil
De Akram Khan
Danseurs : Ching-Ying Chien, Andrew Pan, Dominique Petit, Mythili Prakash, Sam Pratt, James Vu Anh Pham

Théâtre de la Ville 
Du 11 au 20 septembre 2019 à 20h

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