Biennale de la danse de Lyon : "Les jolies choses" de Catherine Gaudet envoûtent le public
Un plateau blanc encadré de rideaux noirs, une lumière crue et le silence. Sur la scène du théâtre de la Croix-Rousse de Lyon, les cinq danseurs de la compagnie Catherine Gaudet semblent être figés comme des statues. Puis peu à peu, une musique minimaliste et lointaine murmure comme un doux vent. Un corps se met imperceptiblement en mouvement donnant l'impulsion aux autres. Ça n'est que le début de 55 minutes ininterrompues, puissantes et périlleuses.
Dans la salle, plus un mot. Le public découvre ce décor d'une pureté virginale. On lui a promis des Jolies choses. Il ne va pas être déçu.
Gentille ironie
Et si les choses avaient un double sens ? Et si ce que l'on pensait acquis était en fait un leurre ? Pour construire cette nouvelle pièce chorégraphique, Catherine Gaudet a fait appel à nos contradictions intimes. En quelques secondes, toutes nos certitudes s'écroulent.
C'est par le corps de ses cinq interprètes que le doute et le désordre s'installent. D'abord répétitifs, les mouvements s'enrichissent peu à peu de nouvelles formes. Les visages et les corps se déforment, la folie et l'anarchie investissent le plateau. "Au fur et à mesure de la création, on a eu envie de tendre un piège. Au début on met le public dans une position confortable, sans appréhension, sans méfiance, dans un lieu relativement connu avec une esthétique un peu postmoderne. Le début est joli et peu à peu il y a une bascule qui se passe dans le spectacle. Ce titre est une gentille ironie, pour que les gens ne se méfient pas", confie Catherine Gaudet lors d'une rencontre avec le public.
Une partition impossible
Les pieds ancrés dans le sol comme enfermés dans une boîte à musique, qui rappelle celle de notre enfance, les danseurs donnent à voir un ballet hypnotique. D'abord mus comme des pantins millimétrés à la seconde près, les voici qui exultent, crient, se touchent et se déchirent.
Sur scène, Caroline Gravel, Dany Desjardins, James Phillips, Lauren Semeschuk et Stacy Desilier font face à une gestuelle périlleuse et délicate. "On a commencé la création en octobre 2020, on sortait du premier confinement et on était dans le précieux d'être ensemble dans le studio, on voulait revenir à quelque chose d'essentiel et dire que ce qui doit être dit. Au départ on ne devait avoir presque aucun mouvement, comme de la télépathie et peu à peu notre envie est devenue celle de faire la pièce la plus complexe possible. Donc au niveau de la partition mathématique quand c'était trop simple, il fallait la complexifier, il fallait que ça soit une pièce impossible comme un kaléidoscope vivant", raconte Catherine Gaudet.
La musique, d'abord discrète et simple accompagnatrice, devient peu à peu de plus en plus présente et de plus en plus forte. La partition, composée par Antoine Berthiaume, prend entièrement part à la performance.
Un rituel commun
Durant une petite heure, une multitude de tableaux picturaux se succèdent laissant place à l'aliénation, l'hébétude, la rage et enfin la libération. "J'ai souhaité créer une sorte de rituel commun qui amène à une forme de transe. À force de plonger dans cet état hypnotique, les danseurs arrivent à une sorte de second souffle comme un état proche de l'extase", explique la lauréate du Grand Prix de la danse de Montréal 2022.
Avec Les jolies choses, Catherine Gaudet ose les contrastes. Elle brouille les pistes, crée du suspense. Dans la salle plongée de noir, la tension est à son comble. On pense à une fin fatale aboutissant à l'épuisement des troupes. C'est tout l'inverse qui se passe. Là encore, Catherine Gaudet nous tend un piège joyeux et jubilatoire. "On avait envie de créer quelque chose de punk et de cathartique", conclut Catherine Gaudet
Pari gagné à Lyon, à la fin du spectacle, le public encore sidéré par cette expérience inédite collective a ovationné la performance des artistes.
"Les jolies choses" de Catherine Gaudet
- 5 octobre au Pavillon Noir d'Aix-en-Provence
- 12 et 13 octobre à la comédie de Clermont-Ferrand
- du 29 novembre au 2 décembre au théâtre Chaillot Paris
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.