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Ballets de Monte-Carlo : 20 ans de conte de fées pour Jean-Christophe Maillot

Pour fêter ses 20 ans à la tête des Ballets de Monte-Carlo, Jean-Christophe Maillot met les petits plats dans les grands tout au long du mois de décembre. Une longévité exceptionnelle pour ce directeur-chorégraphe de 54 ans, qui a donné un nouvel essor à cette compagnie de 50 danseurs et qui avoue croire aux bonnes fées …
Article rédigé par Sophie Jouve
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
Casse Noisette Compagnie par les Ballets de Monte-Carlo
 (Alice Blangero)

Et pour cause : en 1993 la princesse Caroline nomme Jean-Christophe Maillot à la tête des Ballets de Monte-Carlo, avec carte blanche. Le chorégraphe va créer une trentaine de ballets, au carrefour du classique et du contemporain, qui séduisent le grand public par leur lyrisme et leur énergie. Interviews de JC.Maillot et de son étoile Bernice Coppieters et programme : 

L’interview de Jean-Christophe Maillot

Jean-Christophe Maillot, directeur des Ballets de Monte-Carlo
 (Alice Blanger)
 
- Culturebox : Il est rare de pouvoir s’inscrire dans la durée comme vous l’avez fait à Monaco ?
 
- Jean Christophe Maillot : Cela n’a pas été une ambition en soi. J’ai la chance à Monaco de ne pas être lié à une structure trop institutionnelle qui m’obligerait, deux ou trois ans à l’avance à penser les choses. J’ai la liberté de vivre les choses de façon quotidienne. Cette liberté et cette rapidité de fonctionnement sont les particularités de cette compagnie.
Le nombre de représentation dans la propre ville de la compagnie sont par exemple assez limité, une vingtaine. Pour nourrir cette qualité là, il faut être capable de répondre à une demande extérieure importante. Donc on tourne beaucoup. J’essaye de ne pas dépasser le nombre de 80 spectacles par an, pour ne pas perdre la flamme de l’exception.
 
 - Votre danse est au carrefour du classique et du contemporain, on vous qualifie souvent d’inclassable, ça vous va ?
 
-Je compare souvent la danse à la médecine. Il faut des gens qui travaillent sur le génome, des choses difficiles à transmettre et ceux qui transmettent au plus grand nombre. J’ai toujours eu le sentiment qu’un chorégraphe à son travail qui dépend des autres. Je suis très admiratif d’une Lucinda Child qui ne s’intéresse qu’à une problématique de la danse, moi j’aime passer d’un ballet narratif à des choses plus contemporaines. Je ne peux pas nourrir les danseurs avec un seul type de travail, d’ailleurs j’ouvre ma compagnie à d’autres chorégraphes, ce qui n’est pas si courant.
 
- Comment travaillez- vous ?
 
-Je ne peux travailler qu’en présence des danseurs. Je ne suis pas capable de travailler seul. J’ai besoin d’être dans l’instant, de partir d’une  source musicale, immédiatement transmise aux danseurs dans le studio. A partir de là j’improvise et eux me suivent. C’est  un échange permanent entre ce que je leur propose et ce qu’ils me renvoient.
 
- Vous construisez avec votre corps ?
 
- Toujours

- Vous avez créé une famille d’artistes 
 
C’est la part merveilleuse de ce métier de chorégraphe. Quand je rencontre Ernest Pignon- Ernest et que je lui demande de travailler avec moi, ce n’est pas au peintre mais à l’artiste que je m’adresse pour qu’il goute au partage dans une œuvre collective. C’est la même chose avec Philippe Guillotel, Jean Rouaud… L’art chorégraphique est une fusion des arts. J’aime réunir des pensées différentes au service d’un spectacle et qu’à la fin il soit difficile de savoir qui est à l’origine de quoi.
 
- Vous aussi à Monaco avez connu des réductions budgétaires ?
 
-Je n’oublie jamais d’où je viens, j’ai commencé dans ce petit théâtre de Tours ou nous étions un ballet d’opéra et d’opérette. Il n’y avait pas de considération réelle pour le métier de danseur. Puis il y  eu la mise en place d’un Centre chorégraphique National. A Monaco j’ai eu une chance extraordinaire que cette princesse, cela n’arrive pas que dans les contes de fée, cette princesse m’offre un outil comme les ballets de Monte-Carlo. Ce qui me motivait le plus dans un premier temps, c’était d’être conscient de cet outil et de le partager. Bien sur Monaco n’est pas à l’abri de réductions budgétaires, tout le monde subit la crise mondiale. Ces restrictions n’ont finalement pas été une mauvaise chose, car personne n’échappe au risque de l’endormissement et là ça m’a  obligé à repenser notre organisation.
 
Monaco est un tout petit pays qui ne peut pas se permettre d’avoir plusieurs structures chorégraphiques. Comme j’ai créé le Monaco Danse Forum pour proposer une programmation très variée, on l'a réuni à l’école de danse et aux Ballets de Monte Carlo. Je crois que c’est une structure unique au monde.

- Qu’est ce qui a guidé les célébrations des 20 ans des ballets de Monte Carlo ?

- Ce qui m’a guidé, c’est le besoin de regarder comment les choses se sont passées au fils des années et révéler ce qui a guidé mon idée de la danse. C’est une idée pluridisciplinaire, une passion qui me relie avec autant d’amour au Lac des cygnes qu’à une création de Pina Bausch ou Merce Cunningham. Cette danse multiple qui m’a animé va se retrouver dans la programmation de cette saison.    

 
- Vous venez de créer un  nouveau Casse Noisette qui va parler de vous ?
 
J’avais fait un Casse Noisette qui avait eu un large écho, en réunissant pour le jubilé de Rainier, le cirque et le ballet. Cette fois je vais transposer l’histoire de cette famille bourgeoise dans la vie d’une compagnie. Comment on construit avec un nouvel arrivant, comment on voyage à travers les créations chorégraphiques ; ce sera l’occasion d’évoquer nos différents ballets, créés avec Jean Rouaud.
  Casse Noisette Compagnie, une création de Jean-Christophe Maillot
 (Alice Blangero)
 
- Autre création que nous allons découvrir : « Switch » 
 
C’est la réunion improbable de trois danseurs qui n’auraient jamais du danser ensemble. Une star, la russe Diana Vishneva, une muse, Bernice Coppieters et ce danseur improbable Gaëtan Morlotti, qui représente la richesse et la complicité du monde de la danse. Au début Vishneva était déstabilisée et puis la magie a opéré. Ce ballet parle des sacrifices de ce métier, d’une solitude assez profonde.
"Switch" avec Bernice Coppieters, Gaëtan Morlotti et Diana Vishneva
 (Gene Schiavone)
 
- Il y aura même une projection de « Tous en scène » avec Fred Astaire et Cyd Charisse ?
 
Fred Astaire est le plus grand danseur avec Chaplin. Cette maitrise du corps au service d’une narration, c’est une fusion parfaite, l’humanité dans la danse. Même le mot parait faible. C’est un film exceptionnel. J’aime relier les choses entre elles.
 
Les élèves de l'Académie Princesse Grace dansent les ballets de Jean-Christophe Maillot le 11 décembre 2013 : 
 Le programme : 
 
Académie Princesse Grace
« Soirée Jean-Christophe Maillot »
Salle Garnier Opéra de Monte-Carlo
11 décembre 2013 
 
Savion Glover
« Solo in Time »
Salle Garnier Opéra de Monte-Carlo
14,15 décembre 2013
 
Diana Vishneva
“Switch” de Jean-Christophe Maillot
« Woman in a room » de Carolyn Carlson
Salle Garnier Opéra de Monte-carlo
18, 19 décembre 2013
 
Projection Fred Astair et Cyd Charisse
« Tous en scène »
Grimaldi Forum, salle Prince Pierre
20 décembre 2012

 
« Casse Noisette Compagnie »
De Jean-Christophe Maillot-Compagnie des ballets de Monte- Carlo
Avec l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo
Grimaldi Forum, salle des Princes
26 décembre 2013 au 5 janvier 2014
 
Réservations
00377 99 99 30 00
www.balletsdemontecarlo.com
 
  
Bernice Coppieters, Muse et danseuse étoile des Ballets de Monte-Carlo, est l’interprète depuis 20 ans des beaux rôles de femmes créés par Jean-Christophe Maillot : Juliette, Cendrillon, la Belle…
 
Interview de Bernice Coppieters
Bernice Coppieters, étoile des Ballets de Monte-Carlo
 (ML.Briane)
 
- Culturebox : Quel chemin parcouru avec les ballets de Monaco, dont vous êtes la Muse ?
 
- Bernice Coppieters : J’avais vingt ans lorsque je suis arrivée à Monaco, un an avant Jean-Christophe, et avec lui ça a marché extrêmement bien immédiatement. Sa danse me convenait totalement, c’est important pour un jeune danseur de rencontrer un chorégraphe avec qui on a envie de faire un bout de chemin.
 
Et puis c’est émouvant de voir une compagnie qui évolue, qui change de répertoire, de locaux… C’est presque qu’une nouvelle compagnie aujourd’hui. Pour moi c’est comme une famille, j’aurai du mal a quitté cet endroit quand j’arrêterai de danser, ce sera quasiment impossible de partir.
 
- Vous pensez déjà à cet après ?
 
- J’ai commencé depuis quelques années à remonter les ballets de Jean- Christophe pour d’autres compagnies, dans le monde entier. Je voulais voir si j’aimais ça et si je le faisais bien, tout en continuant de danser. Et j’ai  vraiment trouvé une nouvelle vocation. J’aime passer de l’autre côté du miroir. En tant que danseur on est obsédé par soi même, là on devient obsédé par quelqu’un d’autre, je prends du plaisir à transmettre et à retravailler ces ballets que j’aime tant. J’ai aussi commencé à enseigner ici dans la compagnie.
 
- Si vous deviez choisir un seul ballet de Jean-Christophe Maillot ?
 
Je n’arrive pas à me détacher de ce Roméo, c’est un ballet que j’ai dansé 175 fois sur 15 ans, dans tous les endroits possibles et à des moments de ma vie très différents. Jeune et très naïve puis avec la maturité. C’est un ballet que je connais sur le bout des doigts. J’ai arrêté de le danser il y a 5 ans et je l’ai dansé pour la dernière fois, il y a deux semaines lors d’une tournée en Chine. Mais je ne veux plus danser ce ballet depuis que je sens que je n’avance plus, je ne veux absolument pas le danser moins bien.
 
 

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