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Avignon : Un "Retour à Berratham" d'Angelin Preljocaj ambitieux et déséquilibré
"Retour à Berratham", une "tragédie épique contemporaine" a reçu un accueil mitigé vendredi soir dans la Cour d’honneur du Palais des Papes. Commande de Preljocaj à l’écrivain Laurent Mauvignier, Berratham parle du retour de guerre et des traces dévastatrices laissées par les conflits, avec en toile de fond l’ex-Yougoslavie.
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Un no man's land
Des carcasses de voitures brûlées, des barbelés, des sacs poubelle remplis d’images terrifiantes, nous le supposons en tout cas, un morceau d’étoile incrustée dans la muraille et des bandes qui sèment la terreur.Dans ce no man’s land plein de violence et de fantômes, un clandestin revient chez lui à la recherche de son amour de jeunesse, Katja (Preljocaj a fait appel au plasticien Adel Abdessemed, l’auteur de la sculpture du coup de tête de Zidane, qui signe ici sa première scénographie).
La langue de Mauvignier psalmodiée inlassablement
Des narrateurs racontent ce qui s’est passé à Berratham et comment la ville essaie de reprendre son quotidien. Le jeune homme ne reconnait rien de ce qu’il avait laissé. Berratham est aujourd’hui un lieu hanté par les morts, en particulier la mère de Katja, incarnée par Barbara Sareau. Cette mère ainsi que deux autres personnages masculins, tiennent un rôle de chœur antique psalmodiant la langue de Mauvignier inlassablement."Je voulais retrouver le récit du Cid sur la bataille", précise Angelin Preljocaj samedi matin, "avec un narrateur qui fait basculer l’imaginaire… Pour la cour je voulais réunir le texte et le mouvement, faire danser les mots". "Il y a eu 8 versions du texte", explique t-il encore, "il fallait créer de l’espace avec le texte, et donc aller vers l’épopée qui s’accorde très bien avec la danse et non vers la tragédie".
Le spectacle ouvre sur une scène très forte où le jeune homme est pris à partie par une bande errante qui lui reproche d’avoir fui, de s’être éloigné de Berratham, au point d’être devenu un étranger dans sa propre ville.
La traversée du cimetière est un très beau moment de danse épurée. Le spectacle qui fait d’incessants allers-retours entre présent et passé en contient d’autres : le mariage forcé de Katja après la venue au monde d’un enfant né d’un viol (avec cette robe de mariée noire, découpée par les danseurs pour former des vestes d’hommes) ou cette scène d’amour avant le déclenchement du conflit et le départ du jeune homme.
Mais le spectacle est le plus souvent récitatif. Le texte déclamé de façon mélodramatique et la danse ne s’imbriquent pas. Il y a très vite un déséquilibre entre ce qui se dit et ce qui se danse.
Peut être cela pourra-t-il changer quand "Retour à Berratham" sera joué en tournée, car comme nous le dit Preljocaj : "Dans un lieu clos, fermé, comme le sont les personnages, le spectacle gagnera encore en intensité".
"J’aime les expériences, les défis, je n’ai pas envie de faire mon 63e ballet", ajoute Preljocaj. Pourtant il faut bien le reconnaître, dans ce "Retour à Berratham", c’est la danse du chorégraphe qui est la partie la plus réussie…
Reportage : D.Poncet, N.Berthier, R. Attal, C. Grieu
"Retour à Berratham" dans la Cour d'honneur du Palais des Papes
De Laurent Mauvignier, chorégraphie et mise en scène d'Angelin Preljocaj
17, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25 juillet và 22H
Réservation : 04 90 14 14 14
Le Festival d'Avignon
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