Anne Teresa De Keersmaeker de retour pour une recréation de "Drumming", l’un de ses spectacles emblématiques en version XXL
Créé en août 1998 à partir des percussions de Steve Reich, Drumming est l’une des chorégraphies mémorables d’Anne Teresa De Keersmaeker. Elle réunit les étudiants du Conservatoire de Paris, de son école bruxelloise P.A.R.T.S et de l’École des Sables de Dakar. Les danseurs et les directeurs de ces différentes formations ont travaillé sur une nouvelle version, recréant plusieurs sections de la pièce originale. Le résultat est éblouissant avec cette version XXL, dans la tradition des projets monumentaux initiés par le Conservatoire de Paris depuis 2019.
Sur le sol de la MC93 de Bobigny, des lignes orange et blanches structurent la scène. Des lignes en miroir avec celles du corps de ces 62 jeunes danseurs passionnés et animés par la partition rythmée de Steve Reich. Le bruit des percussions ne s’arrête pas, les duos et les trios non plus. Ils s'enchaînent en reprenant la chorégraphie rigoureuse d’Anne Teresa De Keersmaeker. Les danseurs se synchronisent, forment des lignes avec les bras et les jambes. Le rythme des percussions s’accélère en même temps que les sauts et les pirouettes.
Pratiquer la danse avec 60 personnes
Les trois groupes d’étudiants parisiens, dakarois et bruxellois ont travaillé la chorégraphie de Drumming de leur côté avant de se rejoindre pour une semaine de répétition ensemble à Paris, avant la représentation. Seuls les étudiants du Conservatoire et de l’Ecole des Sables ont appris la chorégraphie ensemble. Ceux de l’école d’Anne Teresa De Keersmaeker l’avaient déjà apprise pendant leurs études.
La fluidité des mouvements et la connexion sont pourtant indéniables. Les danseurs prennent chacun leur place et collaborent avec justesse. Les groupes se placent sans hésitation, s’affrontent, se rejoignent et courent ensemble. La légèreté des costumes de Dries Van Noten épouse celle des mouvements. Même si la danse de Keersmaeker peut lasser par son caractère répétitif, elle impressionne par ses placements en miroir presque géométriques. Les danseurs forment des triangles dans les coins de la scène ou des rectangles ouverts.
C’est la première fois qu’une version de Drumming comporte autant d’interprètes. "La chorégraphie malgré son formalisme, laisse tout de même beaucoup de place à des détails personnels, à l’interprétation de chaque artiste. Avec un groupe aussi important et divers, il sera vraiment important de trouver la place pour cela", explique Charlotte Vandevyver, la directrice de P.A.R.T.S dans un entretien.
Percussions inspirées de l’Afrique
Même si cette collaboration confronte trois manières de pratiquer la danse, les étudiants demeurent unis par la force de la musique. "Tout passe par la musicalité. Cela sera donc intéressant de voir comment les sablistes [étudiants de l'Ecole des Sables] vont répondre à la musique de Steve Reich et aux percussions qui, même si elles sont inspirées de l’Afrique, ne sont pas africaines. Une percussivité, une pulsation qui passe par une façon d’absorber le son qui diffère de celles des traditions occidentales", précise Alesandra Seutin codirectrice de l’École des Sables. "Nos danses mettent en avant une connexion à la terre, un ancrage au sol, une expansion dans l’espace que la danse classique ne connaît pas, et que l’on trouve déjà davantage dans la danse contemporaine".
Anne Teresa De Keersmaeker n’a pas choisi la MC93 par hasard. Au-delà des espaces se prêtant à l’envergure du spectacle, le territoire de Bobigny reflète le travail de médiation mené par la chorégraphe auprès du public métissé de la Seine-Saint-Denis. "À ses yeux, présenter cette pièce inspirée d’un brassage de cultures, devant un public aux origines diversifiées, faisait sens", ajoute Cédric Andrieux, le directeur des études chorégraphiques au Conservatoire de Paris. À la fin de la représentation, les étudiants ont tenu à faire une minute de silence en hommage aux peuples palestiniens, ukrainiens, congolais, haïtiens et soudanais, expliquant vouloir un monde "sans génocides" et appelant au cessez-le-feu "où qu'il soit". "Comment faire face à l'horreur instrumentalisée ? Comment célébrer la vie sans oublier toutes celles et ceux qui la perdent injustement ?" ont-ils notamment lancé sous les applaudissements du public.
"Drumming XXL", d'Anne Teresa De Keersmaeker à la MC93 de Bobigny les 7 et 8 juin et à la Grande Halle de la Villette pour deux représentations en plein air gratuites dimanche 9 juin dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis.
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