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Abou Lagraa ose un "Cantique des Cantiques" sexuel, ode à la tolérance

La Maison de la Danse de Lyon ouvre sa saison 2015-16 sur la création embrasée du "Cantique des Cantiques", signée Abou Lagraa. Accompagné du metteur en scène Mikaël Serre, le chorégraphe livre une exploration charnelle et intense du texte biblique. Un message d'amour ouvert sur le monde et la tolérance, à découvrir à Lyon jusqu'au 18 septembre puis en tournée en France.
Article rédigé par Odile Morain
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
"Le Cantique des Cantiques" création Abou Lagraa et Mikaël Serre à la Maison de la danse de Lyon 
 (Dan Aucante)

Puissant, troublant, poétique, sexuel, le nouvel opus d’Abou Lagraa bouscule les frontières des religions et des sociétés et rend hommage à la femme. La Maison de la Danse de Lyon a accueilli le chorégraphe d’Annonay en résidence tout l’été pour peaufiner la création du "Cantique des Cantiques".

Les Femmes et l’amour

C’est une grande première dans le parcours d’Abou Lagraa, travailler sur l’adaptation d’un texte existant. Un nouveau pari que le chorégraphe Franco-algérien relève en s’attaquant à un monument du genre, "Le cantique des Cantiques", immense poème de l’Ancien Testament écrit par un compilateur du IVe siècle avant notre ère. Abou Lagraa s’associe au metteur en scène Mikaël Serre pour décrypter cette écriture profane dans un texte sacré.
Sur le plateau, les deux créateurs convient six danseurs et deux comédiennes qui pendant 1h10 se débattent avec le thème originel et fondateur qu’est l’amour. Le chorégraphe rend hommage aux femmes et rappelle justement que dans  "Le Cantique des Cantiques", les hommes avaient peur du corps des femmes qu’ils considéraient comme des créatures. Pour la femme au contraire, l’homme est cet être idéal qu’elle ne trouve jamais.

"La place de la femme n’a pas beaucoup évolué et pourtant nous sommes en 2015. Je pense qu’aujourd’hui il est temps de mettre la femme au centre de la société. L’énergie qu’il y a dans cette pièce est bien vitale" affirme le chorégraphe.

Désir inassouvi

Vêtues de costumes sombres, les comédiennes et les danseuses errent sur le plateau, se lissent les cheveux, font l’amour seule avec la scène, hurlent avec déchirement leur chagrin d’amour. Le cantique nous avait prévenu : "Ne réveillez pas le mot amour", clame une phrase du poème.

France 3 Lyon a suivi les dernières répétitions avant la première à la Maison de la danse.
Reportage : Sylvie Adam / Pierre Lachaux / Franck Pedreon / Laurie Cortial

Sexualité et Religion

Puisant dans les formes archaïques des trois religions monothéistes, le chorégraphe s’appuie sur les paroles du poème biblique qui a suscité tant d’interprétations et qui n’a cessé de faire scandale. La mise en scène soutenue par de très belles vidéos projetées en fond de scène derrière un rideau de fils, enchevêtre les aspects purement sexuels et la puissance religieuse.

Simulacre ou leurre ? Abou Lagraa et Mikaël Serre brouillent les pistes avec ce très gros plan des yeux d’une femme voilée (musulmane?), qui se révèle être une sœur chrétienne pour finalement se dévoiler en jeune fille dénudée.

Homosexualité et tolérance

Adapté aux questions de société, Abou Lagraa et Mikaël Serre approfondissent leur propos en faisant dialoguer l’amour entre deux femmes. "Le Cantique des cantiques" poème d’amour juif et chrétien parle de tous les amours et de toutes les sexualités.

"2 300 ans plus tard, les homosexuels sont toujours regardés de façon très intolérantes, avec beaucoup de mépris. C’est important de parler de la sexualité en général dans le Cantique", rappelle le chorégraphe dont le spectacle évoque avec violence le refus de la différence sexuelle.

Le théâtre entre dans la danse

Le chorégraphe qui explore pour la première fois une approche narrative et chronologique d’un spectacle se réjouit de la richesse et du mélange entre les genres artistiques. Pourtant le texte répétitif et déclamé de façon tragique ne s’imbrique pas toujours avec la danse. Les prises de parole qui s’immiscent régulièrement dans le spectacle cassent parfois de très beaux moments de danse, la vidéo projetée dans le fond aurait suffit à soutenir le propos. Car dans la pièce d’Abou Lagraa les notions de lenteur et de ralenti qui alternent avec des moments de danse énergique et saccadée expriment très justement les émotions des interprètes.
  (Dan Aucante)
La succession de duos ténus et charnels offrent un kaléidoscope du rapport amoureux. Amour-fusion, jouissance, fuite, conflit, rejet, sexualité, peur de perdre l’autre, les corps se déchirent, chutent et se battent contre les tempêtes du cœur. "Mon amour m’appartient et je lui appartiens", dit à plusieurs reprise une comédienne.

Amour volé, amour violé, amour violent et bafoué, le spectacle d’Abou Lagraa et de Mikaël Serre est une baffe de rentrée qui nous propulse directement dans la saison 2015-2016.

"Le cantique des Cantiques" à la Maison de la danse de Lyon  
Jusqu’au 18 septembre 2015, puis en tournée nationale
Mise en scène et chorégraphie Mikaël Serre et Abou Lagraa, traduction Olivier Cadiot et Michel Berder (Édition Bayard) 

-16 octobre : Théâtre de Suresnes
- 24 et 25 novembre : Bonlieu Scène Nationale Annecy 
2016
- 8 et 9 janvier : Grand Théâtre de Provence, Aix en Provence
- 26 et 27 janvier : Espace des Arts, Chalon-sur-Saône
- 2 février : Théâtres en Dracénie, Draguignan
- 4 février : Théâtre Liberté, Toulon
- 7 Février : Théâtre Jean Vilar, Vitry S/Seine
- 29 mars : Théâtre des Cordeliers – Annonay – Agglo en scène
- 31 Mars : Théâtre de Privas
- 14, 15, 16 avril : Movimentos Festwochen der Autostadt in Wolfsburg 2016, Allemagne
- 20, 21, 22 mai : Les Gémeaux, Scène Nationale de Sceaux 
En 2017 : Théâtre National de Chaillot, Paris

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