"Starmania" : l'opéra-rock de Berger et Plamondon trouble et enthousiasme dans sa version 2022
Le public debout a ovationné, mardi à la Seine musicale de Boulogne-Billancourt, la nouvelle mise en scène de l'opéra-rock de Michel Berger et Luc Plamondon. Ce dernier a été longuement applaudi avant le lever de rideau.
Bien sûr la première question qui se pose est de savoir si ceux qui ont vu le Starmania originel de 1979 (avec France Gall, Daniel Balavoine, Diane Dufresne et Fabienne Thibeault), ou tous ceux qui ont écouté depuis ses tubes inusables, vont adhérer à cette nouvelle version ? La réponse est OUI, pari gagné haut la main !
A Monopolis, la ville sombre, violente et futuriste où se déroule l'intrigue, les tubes s'enchaînent à la vitesse de la lumière des néons qui zèbrent la cité : Quand on arrive en ville, Le blues du businessman, Un garçon comme les autres, Les Uns contre les autres, Le monde est stone, Besoin d'amour, SOS d'un Terrien en détresse, chanté à l'origine par Balavoine sur une envolée vocale qui lui a ouvert les portes de la célébrité… Dans la première partie qui expose les différents personnages, on est sidéré de réentendre la puissance de ces tubes ciselés par le duo Berger (pour la musique) et Plamondon (pour les paroles).
Raphaël Hamburger, le fils de France Gall et de Michel Berger à l'initiative de cette renaissance, s'est entouré d'une équipe de haut vol : Nicolas Ghesquière signe les costumes, le Belge Sidi Larbi Cherkaoui les chorégraphies,Victor Le Masne la direction musicale. Quant à Thomas Jolly, il opte pour un savant dosage d'épure et de spectaculaire : le décor central en perpétuel mouvement se scinde en deux, évoquant la ville de Metropolis de Fritz Lang, soumise à un pouvoir dictatorial.
Extraordinaire travail de lumières
Autour de cet amas de gratte-ciel, ponctué de pointes de fer, on saluera l'extraordinaire travail sur les lumières (Thomas Jolly et Emmanuelle Favre) qui donne sa vraie identité au spectacle et qui trouve son acmé avec Le Blues du businessman.
Les tableaux s'enchaînent dans la première partie, où les huit personnages se croisent plus qu'ils ne se parlent : Zéro Janvier, le milliardaire qui construit des gratte-ciel et le Gourou Marabout qui prône un retour à la nature sont tous deux candidats à la présidence de l'Occident, Cristal, la vedette de la télévision tombe amoureuse du zonard anarchiste Johnny Rockfort, la révolutionnaire Sadia qui bientôt fera allégeance au candidat fasciste, Marie-Jeanne, la serveuse automate et son ami Ziggy.
Ziggy, une des premières figures de l'homosexualité sur scène, cherche la reconnaissance et la lumière à travers une certaine téléréalité. La chanson de Ziggy (reprise par Céline Dion dans les années 1990) donne lieu à une très belle scène où le personnage se retrouve entouré d'une multitude d'autres Ziggy en perruque bouclée blonde. Une première partie qui se termine sur l'enlèvement mystérieux de Cristal par Johnny Rockfort et le gang des Etoiles noires.
Avec la deuxième partie et l'entrée en scène du personnage émouvant et fragile de l'actrice sur le déclin, Stella Spotlight, manipulée par l'apprenti dictateur Zéro Janvier, on entre dans le vif du sujet. Thomas Jolly apporte au spectacle une vraie dimension dramaturgique. On découvre à quel point ces standards de la chanson française avaient fini par effacer l'intrigue d'une troublante actualité. Zéro Janvier évoque Berlusconi mais aussi Trump ou Bolsonaro.
Une création prophétique
On évoque aussi la violence et la solitude dans les villes tentaculaires, la manipulation médiatique, la course à la célébrité, l'environnement… Starmania, prophétique, nous parle du monde d'aujourd'hui, avec des choses qu'on n'avait pas forcément vues à l'époque et qui en 2022 nous sautent au visage.
Cette production audacieuse fait également le pari de jeunes talents. On les citera tous : Lilya Adad dans le rôle de Cristal, Côme en Johnny Rockfort, Miriam Baghdassarian en Sadia, David Latulippe en Zéro Janvier, Simon Geoffroy en Gourou Marabout. Mention spéciale à la troublante lassitude de Magali Goblet en Stella Spotlight, dont la silhouette rappelle Dalida dont on sait le destin. Sans oublier Alex Montembault en Marie-Jeanne, à la voix si naturelle, qui hérite du plus grand nombre de tubes (Un garçon pas comme les autres, Les uns contre les autres, Le monde est stone), qu'elle défend avec une vraie présence.
Rien ne manque à ce nouveau Starmania qui partira en tournée dès le mois de février, ni la silhouette de Michel Berger devant son piano, ni la vidéo de France Gall chantant à l'époque Besoin d'amour. Chapeau, les artistes !
"Starmania" de Michel Berger et Luc Plamondon
Mise en scène de Thomas Jolly
Jusqu'au 29 janvier à la Seine musicale, puis en tournée
Île Seguin, 92100 Boulogne-Billancourt
01 74 34 54 00
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