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Cinéma, séries : le climat est le grand oublié des fictions, selon une étude américaine

Des chercheurs californiens ont étudié plus de 37 000 scénarios de films et téléfilms. Résultat : un peu plus d'un millier comportent des mots relatifs au climat, et seulement 0,6% mentionnent le "changement climatique"...

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Sécheresse en Irak : un garçon marche sur une embarcation abandonnée sur le lit asséché d'une section des marais du sud du pays en recul à Chibayish, dans la province de Dhi Qar, le 28 juin 2022. (ASAAD NIAZI / AFP)

À la télévision comme au cinéma, les fictions ont montré leur pouvoir pour faire changer les esprits dans de nombreux domaines. Mais relativement peu en ce qui concerne le changement climatique, d'après une étude qui nous parvient d'outre Atlantique. Sur un total de 37.453 scénarios de films et téléfilms analysés par des chercheurs de l'université de Californie du Sud (USC), seuls 1046 (soit 2,8%) comportaient des mots relatifs au climat... et seulement 0,6% mentionnaient spécifiquement le "changement climatique".

"Réalité parallèle"

"La grande majorité des films et des spectacles que l'on regarde se déroulent dans une réalité parallèle, où le changement climatique n'existe pas, ce qui entretient une illusion pour les spectateurs", analyse Anna Jane Joyner, la fondatrice de Good Energy, spécialisé dans le conseil aux scénaristes sur la question du climat.

La fiction a pourtant été un puissant levier pour faire sauter des tabous et changer les mentalités, par exemple sur les questions d'homosexualité et de genre. "Les auteurs qui se sentent concernés par le changement climatique peuvent penser que le public n'y sera pas sensible, mais c'est faux", ajoute Erica Rosenthal, de l'Université de Californie du Sud.

Cette universitaire a étudié dans ses travaux la façon dont les spectateurs forment des relations "para-sociales" avec les personnages à l'écran, qui les sensibilisent à de nouvelles idées et de nouvelles personnes, et peuvent changer les comportements, sur l'immigration ou l'encadrement des armes par exemple. "Beaucoup de personnes sont profondément inquiètes du changement climatique, mais en parlent à peine", ajoute Anna Jane Joyner. "Même si c'est juste abordé au passage dans une émission que nous aimons, de façon inconsciente, cela valide le fait que cette préoccupation est normale", un préalable à l'envie d'agir.

Veiller à ne pas être contre-productif

Mais attention aux bonnes intentions qui peuvent être contre-productives, ajoute-t-elle. Avec deux pièges principaux : la vision apocalyptique, qui peut démotiver, et les personnages moralisateurs, qui harcèlent les autres pour qu'ils fassent une croix sur leur grosse voiture ou leur paille en plastique. "Personne n'aime se faire réprimander", souligne Anna Jane Joyner. Des gestes simples peuvent être plus utiles : des personnages qui expriment leur préoccupation pour le climat, qui prennent les transports en commun ou qui ne gâchent pas la nourriture.

"Nous voyons des tas d'histoires sur des évènements climatiques extrêmes, mais elles sont rarement reliées au changement climatique, alors que ce serait plutôt facile à faire", ajoute Erica Rosenthal. Peu de films sur la question ont marqué les esprits, sauf peut-être Le Jour d'après, blockbuster de Roland Emmerich sorti en 2004.

En 2021, le Festival de Cannes avait consacré une section de sa sélection aux films consacré à l'écologie, mais l'expérience n'a pas été renouvelée. En France, "la tradition est plutôt celle d'un cinéma psychologique, plutôt bourgeois (avec) un rapport plus lointain à la nature", explique Véronique Le Bris, spécialiste du cinéma qui vient de publier un guide des 100 Grands Films bons pour la planète.

Hollywood explore depuis longtemps les rapports entre homme et nature

L'industrie hollywoodienne, elle, explore de longue date, depuis les premiers westerns, le rapport de l'humanité avec la nature. "Au début, le Western, c'est quand même la conquête du territoire. Mais très vite, il y a l'idée que la domestication de la nature, ce n'est pas forcément la détruire", ajoute Véronique Le Bris. La peur des armes nucléaires a initié le changement, et dès 1958 le réalisateur Nicholas Ray aborde la question de la sauvegarde de la biodiversité dans La Forêt interdite, dont les lointains successeurs vont de Erin Brokovitch (2000) à Don't Look Up (2021) sans oublier Wall-E (2008).

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